Des accusations d’infractions à la Loi sur la qualité de l’environnement sont portées contre les responsables d’un laboratoire clandestin de stupéfiants où des produits chimiques étaient déversés dans la nature. C’est la première fois que la loi québécoise est utilisée pour s’attaquer aux dommages environnementaux causés par le crime organisé lors de la production de drogues de synthèse.

Le ministère de l’Environnement a annoncé les accusations pénales contre deux individus lundi. Il s’agit de Roxane Savard, propriétaire d’un domaine à Danville, en Estrie, ainsi que d’Emmanuel Pereira, l’opérateur d’un laboratoire clandestin démantelé sur les lieux en 2020 par la Sûreté du Québec. Tous deux ont déjà plaidé coupables à une série d’accusations criminelles liées à la production de méthamphétamine et reçu des peines respectives de trois ans et sept ans de pénitencier.

S’ils sont reconnus coupables d’infractions environnementales, ils devront aussi payer des amendes.

« Étant propriétaire de ce lieu, Mme Savard est accusée d’avoir omis de prendre les mesures nécessaires pour que les matières résiduelles déposées ou rejetées, telles que des résidus de production et de transformation de drogues, soient stockées, traitées ou éliminées dans un lieu autorisé. Ces faits sont également reprochés à M. Pereira en tant que responsable de ce lieu », a déclaré le Ministère par voie de communiqué.

Laboratoire lié aux Hells Angels

La Presse avait révélé en octobre dernier que pour la première fois, le Ministère tentait de faire payer le crime organisé pour les montagnes de contaminants toxiques qu’il déverse dans la nature lors de la production de méthamphétamine. La production locale de cette drogue, contrôlée en grande majorité par les Hells Angels, a pollué depuis des années des ruisseaux, des rivières, des lacs, des champs et des forêts.

Lisez le dossier « Faire payer les Hells pour la pollution »

Le laboratoire démantelé à Danville sur le terrain de Mme Savard en 2020 produisait lui aussi pour un réseau relié au groupe de motards criminalisé.

Lors de l’arrivée des policiers, plusieurs barils semblaient avoir été vidés de leur contenu dans de grandes cuves, semblables à celles des ateliers mécaniques. Ces dernières étaient branchées à un système de tuyauterie qui menait sous la terre, jusqu’à une série de barils en plastique bleu enfouis. Les parois du haut des barils étaient perforées, selon un rapport produit par l’Unité des opérations spéciales du ministère de l’Environnement obtenu par La Presse.

Selon le document déposé au palais de justice de Sherbrooke, la première inspectrice du Ministère arrivée sur les lieux de la perquisition a remarqué des « signes d’impacts environnementaux » évidents sur la propriété. Elle avait noté la présence d’arbres morts et l’absence de végétation autour des sorties de ventilation du laboratoire, signe qu’aucune plante n’arrivait à survivre dans les émanations qui s’en échappaient.

PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

Le laboratoire de Danville était l’un des plus gros démantelés au Québec.

Dangereux chlorure de mercure

Un test effectué avec de l’eau avait par ailleurs démontré que le système de filtration artisanal laissait écouler des produits dans la nature pendant la fabrication de méthamphétamine.

Dans le rapport, les enquêteurs notaient que « le chlorure de mercure est le produit le plus dangereux dans la production de ce stupéfiant », mais ils faisaient aussi la liste d’autres produits chimiques.

Les allégations de la poursuite n’ont pas encore été testées devant les tribunaux.