Les craintes initiales d’un éventuel déversement de carburant à la suite de l’incendie d’un porte-conteneurs en proie aux flammes depuis trois jours au large de la Côte-Nord seraient maintenant écartées. Le résultat d’une opération sans précédent dans le secteur, selon plusieurs intervenants, tandis que le sort du navire reste flou.

« C’est ce qui m’a réveillé, il y avait un cri d’alarme et le navire était juste devant ma maison. C’était assez impressionnant ! », raconte Robert Michaud, coordonnateur du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marin et résidant de la Haute-Côte-Nord, qui a été tiré du lit par le bruit du navire en détresse dimanche dernier.

Dans les premières heures de l’intervention, la présence d’un tel mastodonte privé de ses systèmes de contrôle, au large de la municipalité des Escoumins, suscitait de l’inquiétude, explique le spécialiste.

« La première préoccupation était la vie et la santé de l’équipage, mais la deuxième, c’était la présence de ce qu’ils appellent un dead ship, un navire sur lequel on n’a plus aucun contrôle, et l’éventualité qu’il s’échoue, se brise et fasse un déversement. »

De son côté, le maire de Tadoussac, Richard Therrien, a fait état d’inquiétudes dans la petite municipalité face à la possibilité que le navire s’échoue sur de hauts fonds, possibilité maintenant écartée selon lui.

« Ben évidemment, il y avait des craintes de la population, et en Haute-Côte-Nord aussi. C’est des bateaux avec du diesel, du mazout. Un bateau qui s’échoue, c’est quand même moins drôle », a-t-il expliqué, ajoutant n’avoir jamais vu une telle opération dans le secteur.

L’arrivée rapide d’un brise-glace, de bateaux-pilotes et de puissants remorqueurs a toutefois rassuré la plupart des intervenants. « Tout le monde est assez rassuré. Le bateau n’a pas retrouvé sa mobilité, mais il est bien escorté. C’est une intervention assez conséquente. Je n’ai pas vu une intervention de cette ampleur dans le parc marin au cours des 40 dernières années », affirme M. Michaud.

Une deuxième équipe de pompiers américains

Dans une mise à jour publiée mercredi en fin de matinée, la Garde côtière canadienne indiquait que le navire MSC Sao Paulo V se trouvait toujours près de l’entrée du fjord du Saguenay, mais avait été déplacé la veille en après-midi dans une zone plus profonde, à l’aide de remorqueurs, afin d’éviter un échouement à marée basse.

Dès le début de l’opération, de nombreuses embarcations ainsi qu’une équipe de pompiers maritimes américains ont accouru pour maîtriser les flammes et contrôler la dérive du mastodonte après un appel à l’aide de l’équipage tard dimanche soir.

Mercredi, une équipe d’intervention environnementale de la Garde côtière a également été déployée près du navire, sur les rives de Tadoussac, alors qu’un deuxième groupe de pompiers américains et de l’équipement spécialisé étaient arrivés sur les lieux afin d’aider l’équipage à lutter contre l’incendie, qui demeurait maîtrisé.

Le brise-glace Amundsen ainsi que deux remorqueurs de Groupe Océan, l’Ocean Taiga et l’Anse du Moulin, demeuraient sur place pour porter assistance au porte-conteneurs en flamme. Ces derniers ont notamment procédé à l’arrosage de la coque et du navire pour le refroidir.

« Certains va-et-vient des membres de l’équipage et des pompiers ont été effectués avec l’aide des remorqueurs au cours des derniers jours, pour relayer les membres à bord du Sao Paulo V afin qu’ils puissent se reposer, et pour apporter des matériaux et de la nourriture », explique-t-on également.

Avec l’ampleur du trafic maritime sur le fleuve Saint-Laurent, il est remarquable que de telles situations d’urgence soient aussi rares, souligne Robert Michaud.

« On a un fleuve qui est beaucoup utilisé pour la marine marchande. On parle de 6000 transits devant la maison chez nous chaque année. Ça fonctionne bien, et un problème mécanique comme ça, c’est extrêmement rare. On demeure dans un environnement extrêmement riche et fragile, donc on ne veut pas de déversement, et jusqu’à maintenant, il n’y en a pas. On continue de surveiller ça », dit-il.

Une éventuelle inspection

Il reste maintenant à savoir ce qu’il adviendra du porte-conteneurs une fois l’incendie complètement éteint.

En fin de journée mercredi, un porte-parole de Transports Canada, Hicham Ayoun, a indiqué que l’organisme procédera à une inspection du MSC Sao Paulo V « lorsqu’il sera propice de le faire ». « Pour le moment, Transports Canada n’est pas en mesure de fournir de l’information sur un déplacement éventuel du bâtiment », a précisé M. Ayoun.

Dans un message acheminé à La Presse, un porte-parole de l’armateur MSC, plus grande entreprise maritime de transport de conteneurs au monde et propriétaire du Sao Paulo V, a indiqué que le feu s’était déclaré dans un moteur auxiliaire du navire.

L’équipage, qui n’est « pas bloqué », selon l’entreprise, a « immédiatement pris des mesures d’urgence en coordination et en coopération avec les autorités locales ». « L’incendie est maintenant terminé sans qu’il y ait de blessés, de pollution ou de perte de cargaison », ajoute le porte-parole, basé en Suisse.