La jeune femme qui a soulevé l’ire de l’UQAM en publiant sa photo de fin d’études seins nus sur les réseaux sociaux en 2021 poursuit aujourd’hui un homme d’affaires proche du crime organisé. Elle lui reproche des manœuvres trompeuses pour s’emparer de ses propriétés, deux triplex d’une valeur de 3 millions de dollars.

Ce qu’il faut savoir

Hélène Boudreau, connue sous le surnom de « la fille de l’UQAM » depuis que l’université l’a poursuivie pour une photo de fin d’études seins nus, poursuit Rhéal Dallaire, un homme d’affaires ayant des liens avec le crime organisé.

Elle se serait entendue avec lui afin qu’il lui serve de prête-nom, pour acheter deux triplex d’une valeur de 3 millions de dollars dans le projet VillaNova, dans l’arrondissement de Lachine.

Selon la poursuite, Hélène Boudreau lui a fait des paiements totalisant 1,45 million, mais Dallaire lui réclame encore 3 millions et menace de garder les immeubles, dans le cadre de « manœuvres dolosives ».

Le promoteur nie les faits.

La créatrice de contenus sexuels aurait donné 1,45 million à Rhéal Dallaire pour qu’il achète les propriétés, puis les lui confier en tant que prête-nom. Mais le promoteur exigerait encore 3 millions. Hélène Boudreau dit être « excessivement stressée » et « en dépression » à la suite de ces évènements.

« Je crois qu’Hélène exagère, dit Rhéal Dallaire, au téléphone avec La Presse. Ce ne sont pas les faits du tout. Elle a manqué des paiements. » Il n’a toutefois pas voulu en dire davantage.

« Problème de financement »

Hélène Boudreau dit avoir commencé à s’intéresser au monde de l’immobilier en 2021. « Compte tenu du secteur d’activité » dans lequel elle travaille, elle éprouvait « un certain problème à obtenir un financement bancaire standard ».

Un jour, elle rencontre Dallaire par l’intermédiaire d’« un ami commun », selon la poursuite. Le promoteur lui assure alors « qu’il possède une bonne réputation dans le monde de l’investissement immobilier et qu’il est en mesure d’obtenir un financement bancaire standard ».

« Dallaire propose d’agir comme prête-nom pour la demanderesse dans le cadre de ses investissements immobiliers », affirme la poursuite.

Dans les faits, Rhéal Dallaire traîne un lourd passé criminel. La police a d’ailleurs perquisitionné à son domicile de Westmount en mars 2023, dans le cadre d’une vaste frappe visant notamment des dirigeants des Hells Angels et Francesco Del Balso, un ex-membre de la mafia, assassiné depuis.

En 2019, le promoteur a vendu quatre terrains vacants au co-chef mafieux Leonardo Rizzuto, dont l’acolyte Stefano Sollecito habite une maison appartenant à l’entreprise de la conjointe de Dallaire, Isabelle Gagnon.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

L’homme d’affaires Rhéal Dallaire et sa conjointe Isabelle Gagnon

Dans les années 1990, l’homme d’affaires a multiplié les peines de prison pour trafic de drogue, escroquerie, fraude, extorsion, vol et voies de fait, notamment.

Triplex au projet VillaNova

Vers juin 2021, Dallaire a proposé à Hélène Boudreau d’acheter deux triplex dans le projet VillaNova, selon la poursuite. Ce vaste projet à Lachine, lancé par l’ex-promoteur déchu Paolo Catania, s’était retrouvé entre les mains du Groupe JML inc. de Michael Lapenna.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Les triplex au cœur du conflit entre Hélène Boudreau et Rhéal Dallaire se trouvent au centre de cette rangée d’immeubles aux murs mitoyens, dans le projet VillaNova à Lachine.

Hélène Boudreau aurait accepté la transaction. Elle a commencé dès août 2021 à faire des versements à Dallaire, à un compte en fidéicommis d’un cabinet d’avocats et aux entreprises de sa conjointe. Au total, la femme de 32 ans leur a ainsi confié plus de 1 million, selon la poursuite.

Selon le registre foncier, les propriétés convoitées étaient pourtant toujours entre les mains du constructeur JML à ce moment-là. Elles n’ont été vendues qu’en novembre 2022, à une entreprise de la conjointe de Dallaire – celle-là même qui est officiellement propriétaire de la maison où habite le mafieux Sollecito à Blainville.

« À ce moment, la demanderesse ne signe aucun document et obéit aux demandes », assure la requête d’Hélène Boudreau.

Isabelle Gagnon n’a pas rappelé La Presse.

Signatures en série

La poursuite d’Hélène Boudreau raconte ensuite comment Dallaire l’aurait « forcée » à signer une série de documents dans le bureau de son avocat : une entente de vente et de prête-nom, une « entente de rémunération », un « contrat de gestion » et un « engagement » à ne pas communiquer à ce sujet.

« Dallaire a mentionné expressément qu’elle n’avait pas le droit de consulter un avocat et que les clauses étaient non négociables », mentionne la requête. L’homme d’affaires aurait « refusé » de lui donner des copies des documents, jusqu’en février 2023.

Selon Hélène Boudreau, le contrat de prête-nom que lui a fait signer Dallaire prévoyait « une rémunération de 190 200 $ par immeuble », soit 380 400 $. Elle aurait aussi réalisé que le prêt hypothécaire qu’elle devait rembourser sur les immeubles porte intérêt à 18 %, un taux trois fois plus élevé que ceux du marché actuel.

Se disant « coincée face à la pression », elle aurait accepté de lui faire encore huit versements totalisant 390 000 $, portant à 1,45 million le total des sommes payées à l’homme d’affaires et aux entreprises de sa conjointe.

Hélène Boudreau ajoute avoir signé un contrat de gestion avec Vision Immo, une autre société d’Isabelle Gagnon. Elle ne ferait pourtant « aucune mise en marché » et seulement deux des six logements des triplex étaient loués, selon la demanderesse.

Par contrat, elle se serait engagée à « ne pas publiciser, promouvoir, communiquer ou faire croire que les immeubles lui appartiennent » et ne pourrait donc pas s’occuper elle-même de la gestion.

Dans sa poursuite déposée en février dernier, Hélène Boudreau allègue que Dallaire, sa conjointe et leurs entreprises lui réclament toujours 3 millions de dollars, « avec leurs chiffres aléatoires ». Elle refuse et réclame plutôt le transfert des titres des triplex à son nom et 150 000 $ en dommages.

Hélène Boudreau n’a pas rappelé La Presse pour commenter l’affaire. Son nouvel avocat Pascal Plouffe, qui vient tout juste de reprendre le dossier, s’est refusé à tout commentaire.