Abdullah Shaikh, qui a tué trois personnes à Montréal et à Laval en août 2022 alors qu’il faisait l’objet d’un mandat de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM), a agi avec préméditation et organisation, constate la coroner Géhane Kamel, en appelant à la création d’un tribunal spécialisé en santé mentale.

La CETM est responsable d’évaluer le risque posé par l’état mental d’un accusé, et les mesures à prendre pour assurer la sécurité du public. Cette commission est une section du Tribunal administratif du Québec. Le ministère de la Justice devrait revoir sa structure « pour qu’elle agisse comme un tribunal exclusif et spécialisé », recommande MKamel dans son rapport d’enquête publique diffusé jeudi.

Consultez le rapport d’enquête de la coroner Géhane Kamel

« Créer un tribunal administratif spécialisé en santé mentale, comme en Ontario », éviterait notamment d’avoir à faire appel à plusieurs tribunaux (Cour du Québec, Cour supérieure, CETM) pour une même personne, expose la coroner.

En un peu moins de 24 heures, les 2 et 3 août 2022, trois personnes qui se trouvaient dans les rues de Montréal et de Laval (Mohamed Belhaj, André Lemieux, Alex Lévis-Crevier) sont tombées sous les balles d’Abdulla Shaikh.

« Il est tout à fait vraisemblable que les gestes commis à Laval et Montréal étaient organisés, voire planifiés. M. Shaikh semble avoir prémédité de longue date ces gestes », conclut MKamel dans un rapport de près de 60 pages présentant plus d’une vingtaine de recommandations.

« Il avait plusieurs armes et un comportement qui n’est pas typique d’une psychose. On est plus dans l’ordre de quelqu’un qui a un trouble de personnalité qui a planifié scrupuleusement ces actions. »

Le meurtrier de 26 ans faisait l’objet d’un mandat de la CETM en raison d’infractions commises en 2018, pour lesquelles il avait été jugé non criminellement responsable.

Il a été abattu dans une chambre de motel par le Groupe tactique d’intervention du Service de police de la Ville de Montréal le 4 août 2022, après avoir fait feu en direction des policiers.

Des recherches sur le web

M. Shaikh, qui avait été hospitalisé trois fois en psychiatrie, n’était pas sous-médicamenté au moment du drame puisque l’antipsychotique qui lui était prescrit se trouvait encore en concentration thérapeutique dans son sang, note la coroner.

« L’enquête policière a plutôt permis de révéler que les gestes de M. Shaikh ont fait l’objet d’une préméditation et d’une organisation. »

L’homme avait commencé à faire des recherches sur l’internet pour se procurer une arme à feu ou des composants sept mois plus tôt, avait loué son véhicule le mois précédent, et avait eu une discussion « cohérente » et une autre « cordiale » peu avant sa mort, montre la reconstitution des faits.

« Le manque de ressources est un problème réel, mais les structures de suivi pour les personnes qui sont réfractaires le sont également », résume MKamel. La coroner lève plusieurs autres « drapeaux rouges », dont « les délais interminables en matière d’accusations criminelles », et le fait que des interventions reposent sur la famille alors que celle-ci est « émotivement prise entre l’arbre et l’écorce ».