Les procédures criminelles contre un présumé réseau montréalais de vol de voitures viennent de dérailler en raison de délais exagérés pour obtenir un procès.

Un échec « regrettable », vu le « fléau » qu’est devenu ce crime, a indiqué la Cour du Québec. Elle attribue les retards de plusieurs mois qui se sont accumulés dans le dossier à de mauvaises pratiques de gestion de la Couronne.

Obeida Borghol, James Rizk et Ali Trad avaient été accusés à l’issue d’une enquête ayant mobilisé plusieurs policiers québécois et ontariens. Les suspects avaient notamment fait l’objet d’une filature de 10 jours.

Selon l’accusation, les trois hommes louaient des véhicules de luxe, y installaient une puce GPS et les rendaient. Ils pouvaient ensuite géolocaliser leur cible et s’en emparer pendant une location subséquente. Ces allégations n’ont jamais été prouvées devant la justice.

Les trois hommes ont été accusés en mai 2021. Ils ont plaidé non coupable. Leur procès était prévu pour mai 2024. Trop long, selon la justice, qui a ordonné un arrêt des procédures.

Affaire « mal gérée »

« L’affaire a été mal gérée au tout début de la procédure lorsqu’elle a été confiée à une procureure affectée au programme Dialogue [un programme de médiation] », a évalué le juge Salvatore Mascia dans une décision qui vient d’être rendue publique. « Il a fallu 20 mois pour que ladite procureure se rende compte que le procès dans la présente affaire ne pouvait pas être traité par un procureur dans ledit programme. »

Le juge a retenu que les avocats de la défense pouvaient difficilement discuter avec leur vis-à-vis de la Couronne pour faire avancer le dossier. « Pas aussi difficile que d’obtenir une audience avec le pape », a-t-il écrit, mais pas loin : des rendez-vous ont été annulés parce que le dossier était égaré, et on leur imposait un système téléphonique de prise de rendez-vous rigide et inadéquat.

« L’absence d’un plan concret de gestion pour mener à terme le dossier des requérants est flagrante, a continué le juge Mascia. Il ne s’agit pas ici d’une cause particulièrement complexe. »

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) plaidait que le retard du dossier était attribuable à l’« effet ressac » de la pandémie. L’argument n’a pas convaincu.

Additionnés, les délais dépassaient largement le plafond fixé par l’arrêt Jordan. Dans le cas de l’un des accusés, le délai d’obtention de procès était deux fois plus long que le délai maximal.

« La situation est regrettable compte tenu des efforts déployés par la police dans l’enquête sur cette affaire, a ajouté le juge Mascia. Non sans inquiétude, le vol de véhicules automobiles est devenu un fléau partout à travers le pays, et particulièrement dans la ville de Montréal. »