« Beaucoup d’argent ? Nous allons devenir riches ! », se réjouissait Kristina Puzyreva dans un message envoyé à son conjoint en janvier 2023. La résidante de l’ouest de l’île de Montréal rêvait de faire fortune en alimentant secrètement l’armée russe en composants électroniques, dans le cadre de la guerre en Ukraine. Un an plus tard, elle vient de plaider coupable devant un tribunal américain et risque une lourde peine de pénitencier.

Ce qu’il faut savoir

  • Un couple québécois d’origine russe a été arrêté à New York en novembre pour avoir organisé un réseau d’approvisionnement en composants électroniques au bénéfice de l’armée russe.
  • Les autorités américaines affirment que le matériel fourni par le couple a été retrouvé dans des tanks, des missiles, des hélicoptères, des drones et d’autres équipements utilisés dans l’invasion de l’Ukraine.
  • La femme a accepté lundi de plaider coupable à un chef d’accusation, contrairement à son mari, qui est toujours en attente de procès.

Kristina Puzyreva, une résidante de Sainte-Anne-de-Bellevue âgée de 32 ans, a plaidé coupable à une accusation de complot pour blanchiment d’argent lundi, à Brooklyn. La femme avait été arrêtée dans un hôtel de Manhattan avec son conjoint, Nikolay Goltsev, en novembre dernier. Le couple, qui possède la double nationalité russe et canadienne, est détenu aux États-Unis depuis.

Un homme soupçonné d’être le complice du couple, un résidant de Brooklyn qui possède la double nationalité russe et tadjike, avait aussi été arrêté et des dizaines de boîtes de semi-conducteurs et d’autres composants électroniques avaient été saisies chez lui.

Selon l’acte d’accusation initial déposé en cour, le couple aurait organisé un réseau qui alimentait l’armée russe en composants électroniques stratégiques, des systèmes dont l’exportation est restreinte par la loi et qui ont été utilisés par l’armée russe dans des missiles, des chars d’assaut, des drones, des hélicoptères et d’autres équipements militaires pendant l’invasion de l’Ukraine. Les enquêteurs américains disent que le matériel livré grâce au couple québécois a été retracé sur le champ de bataille.

La poursuite allègue que le couple résidant au Québec visitait souvent New York, où Kristina Puzyreva multipliait les dépôts de sommes importantes en argent comptant dans des comptes bancaires américains. Les fonds étaient ensuite redirigés vers les comptes bancaires du couple au Canada. Les messages échangés par les participants et interceptés par les enquêteurs ont été déposés en preuve au tribunal. Selon les procureurs, la méthode utilisée par Mme Puzyreva pour déplacer les fonds était très structurée et a permis au stratagème de se poursuivre pendant un certain temps en évitant la détection.

Le couple était en attente de procès, mais lundi, la femme a décidé de couper court au processus. Elle a plaidé coupable à une seule accusation au terme de discussions avec la poursuite, ce qui a été entériné par le juge. Elle recevra sa peine en septembre prochain.

Relation de longue date

« L’accusée dans ce dossier a violé nos lois sur les sanctions et les restrictions à l’exportation en complotant pour envoyer des composants sensibles de missiles et d’autres armes en Russie, qui ont ensuite été retrouvés dans des armements russes sur le champ de bataille en Ukraine », a déclaré la procureure fédérale américaine Lisa O. Monaco dans un communiqué. Le communiqué précise que la trentenaire risque jusqu’à 20 ans de prison. Sa décision de plaider coupable risque toutefois de jouer en sa faveur au moment de déterminer la peine.

La femme, qui habite au Canada depuis 14 ans et travaille pour une entreprise de vêtements, selon ce que son avocat a expliqué en cour, n’avait trouvé personne au Canada et aux États-Unis prêt à se porter garant d’elle dans le cadre d’une éventuelle libération sous condition.

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Kristina Puzyreva et son conjoint Nikolay Goltsev

Le conjoint de Mme Puzyreva, lui, fait toujours face à plusieurs accusations de complot, fraude et contrebande. Dans les documents judiciaires déposés au tribunal par la justice américaine, Nikolay Goltsev est décrit comme ayant une relation de « longue date » avec ses contacts en Russie. L’homme de 37 ans aurait approvisionné l’armée russe pendant plus de 12 ans, selon les enquêteurs américains.

Selon la déclaration sous serment d’un agent fédéral américain déposée en cour à Brooklyn, Goltsev recevait les commandes de ses contacts russes et utilisait deux entreprises-écrans établies à New York pour acheter les pièces convoitées auprès de fournisseurs américains.

Goltsev a déjà travaillé pour une entreprise de composants électroniques de l’arrondissement de Saint-Laurent, Electronic Network. L’entreprise a été sanctionnée par le gouvernement américain en lien avec l’exportation de pièces vers la Russie l’hiver dernier. Lors d’une comparution précédente, un procureur fédéral américain avait assuré au juge que Mme Puzyreva était au courant de ses activités.

« Elle est bien sûr mariée à son co-accusé, M. Goltsev. Elle a pleinement connaissance de ce qu’il faisait à une entreprise appelée Electronic Network, qui était dirigée à partir de Montréal. »

Sommes importantes

« En l’espace d’un an, cette organisation criminelle a contourné les sanctions et les lois des États-Unis, et réussi à envoyer plus de 300 livraisons d’articles à exportation restreinte, d’une valeur estimée d’environ 10 millions de dollars, vers le champ de bataille russe », avaient précisé les autorités américaines au moment du dépôt des accusations.

Les autorités ont saisi 1,68 million de dollars dans le cadre de l’enquête, en plus d’une somme de 20 000 $ en argent comptant découverte dans la chambre d’hôtel du couple à New York.