Un incendie qui a réduit en cendres le palais de justice d’une communauté du Nunavik la nuit dernière pourrait entraîner le report d’une centaine de dossiers judiciaires dans une région déjà éprouvée par les longs délais.

Le feu s’est déclaré dans le bâtiment du Centre de justice de la communauté crie de Whapmagoostui vers 4 h, la nuit dernière. Deux détenus et trois constables spéciaux se trouvaient alors à l’intérieur.

Ce sont ces derniers qui, alertés par de la fumée, ont évacué les détenus à temps, avant de voir le feu prendre de l’ampleur jusqu’à ce que la bâtisse s’embrase complètement. Mercredi, seules quelques ruines noircies de l’édifice tenaient toujours debout.

Personne n’a été blessé dans l’évènement qui a secoué ce village du Grand Nord québécois dont la particularité est d’être divisé en deux. D’un côté, la communauté des Cris de Whapmagoostui et de l’autre, celle des Inuits de Kuujjuarapik.

D’abord prise en charge par le Service de police Eeyou Eenou puisque le bâtiment se trouve du côté de la communauté crie, l’enquête a finalement été transférée à l’équipe intégrée chargée des enquêtes criminelles au Service de police du Nunavik, à Kuujjuak, a indiqué son responsable Patrice Abel.

« On essaie d’établir les faits, de rencontrer des témoins, de voir avec les gardiens comment ça a commencé », a-t-il précisé mercredi. Le temps venteux a retardé l’envoi, par avion, d’enquêteurs supplémentaires sur place.

La Cour itinérante perturbée

Comble du malheur, l’incendie s’est produit alors que la Cour itinérante se trouvait sur place. Cette délégation qui compte habituellement un juge ainsi que plusieurs juristes et constables spéciaux sillonnent les communautés du Grand Nord pour y traiter les dossiers judiciaires.

Le ministère de la Justice, dont relève la Cour itinérante, a précisé avoir rapidement pris contact avec les membres de son équipe pour s’assurer qu’aucun d’entre eux n’était blessé. Leur voyage de retour organisé, tous devaient revenir au sud mercredi.

La Cour itinérante ne se rend que trois fois par année dans cette communauté à raison d’une semaine par mission. La prochaine est prévue en avril prochain.

« Il y avait des procès prévus pour cette semaine, il y a des gens détenus qui attendaient de comparaître, des victimes qui allaient témoigner, plus d’une centaine de dossiers vont devoir être reportés », s’est désolée une des juristes œuvrant à la Cour itinérante, MJulia Blais-Quintal.

L’incendie de cet établissement est un coup dur de plus pour une région déjà durement éprouvée par des délais judiciaires qui s’allongent. En 2023, le délai médian pour fermer un dossier dans la région judiciaire de l’Abitibi-Témiscamingue–Eeyou Istchee–Nunavik s’élevait à 304 jours alors qu’il était de 166 jours quatre ans plus tôt, a rapporté La Presse en septembre.

« Nous ne pouvons que nous inquiéter des impacts que cela pourra avoir sur les délais judiciaires qui étaient déjà alarmants dans le Nord-du-Québec. Nous espérons que des solutions rapides seront mises en place par le gouvernement afin d’assurer un service essentiel aux personnes de cette communauté », a réagi le président de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, MGuillaume Michaud.

Selon MJulia Blais-Quintal, le Centre de justice de la communauté crie de Whapmagoostui était un bâtiment récent et son ancien emplacement, dont les installations existent toujours, pourrait peut-être servir à héberger la Cour itinérante.

« Les analyses sont en cours afin de déterminer les solutions envisagées, en collaboration avec nos partenaires cris », a indiqué une porte-parole du ministère de la Justice, Isabelle Boily.

Avec Daniel Renaud, La Presse