Des détenus qui consomment et s’endettent. Des règlements de comptes en prison. Des armes artisanales qui passent incognito. La contrebande inquiète de plus en plus le personnel du pénitencier de Cowansville. Le syndicat réclame d’ailleurs des mesures concrètes et efficaces pour contrer ce fléau en milieu carcéral.

En quatre mois seulement, de la drogue et des cellulaires d’une valeur de près de 700 000 $ ont été saisis par des agents correctionnels au pénitencier de Cowansville, selon le décompte du syndicat de l’établissement. Ces chiffres font état d’un commerce dangereux, mais lucratif contrôlé par quelques têtes dirigeantes. Le tout déstabilise le quotidien des détenus et du personnel, souligne Christian Côté, agent correctionnel et président local UCCO-SACC-CSN à l’établissement de Cowansville.

Ces statistiques ne représentent que le tiers de l’année. « Il est plausible de croire que l’on saisit, sur une période d’un an, pour plus de 2 millions de marchandise de contrebande en valeur institutionnelle au pénitencier de Cowansville. Les informations qu’on a des détenus, c’est qu’on intercepte environ 1 drone sur 20 », s’alarme M. Côté.

PHOTO FOURNIE PAR MIKE BOLDUC

Les substances et objets illicites sont bien souvent livrés aux détenus par drone.

Ce n’est un secret pour personne, les substances et objets illicites sont livrés aux détenus par drone à même leur cellule.

Consommation, tensions et insécurité

Pourquoi s’inquiéter d’une telle situation ? Parce que les fléaux de société générés par la consommation de drogues sont décuplés entre les murs d’une cellule de prison. « Comment réinsérer dans la société des détenus qui consomment en prison ? », se demande Guillaume Favreau, vice-président syndical à l’établissement de Cowansville.

L’accès facile à la drogue crée beaucoup de dettes avec des taux d’intérêt faramineux. La difficulté de payer crée de l’intimidation, des menaces et des voies de fait [en prison]. Les détenus doivent supplier leur famille de leur envoyer de l’argent pour payer leurs dettes, de peur d’être attaqués.

Guillaume Favreau, vice-président syndical à l’établissement de Cowansville

L’accessibilité à la drogue en prison est susceptible de créer de la violence à l’extérieur de l’établissement, ajoute M. Favreau. « On se retrouve avec des détenus qui devraient être sevrés en prison, mais ressortent encore plus en manque de drogue, ce qui contribue à leur cycle de criminalité en dehors. »

Des armes indétectables

Durant la période de mai à septembre, plus d’une vingtaine d’armes artisanales ont été saisies au pénitencier de Cowansville. Plusieurs de ces outils sont composés de lames en céramique, indétectables au détecteur de métal.

On saisit carrément des couteaux avec des lames en céramique. Mêlé à la consommation et avec les tensions entre détenus, c’est inquiétant.

Guillaume Favreau, vice-président syndical à l’établissement de Cowansville

Mike Bolduc, président régional du Québec du Syndicat des agents correctionnels du Canada (UCCO-SACC-CSN), estime qu’on ne prend pas toutes les mesures pour lutter contre cette contrebande. Depuis des années, un système de détection de drones efficace est réclamé.

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Lames en céramique saisies à l’établissement de Cowansville

« Le système est archaïque. Il n’est pas capable de faire la différence entre un drone et un oiseau. Il existe une meilleure technologie », s’insurge M. Bolduc.

Qui plus est, certains détenus sont rusés. Quand des fenêtres renforcées ont été installées au pénitencier de Donnacona, certains ont trouvé le « moyen de moyenner ». « Les détenus se font venir des fenêtres en plexiglas pour les remplacer. Ils sont toujours une étape en avant de nous autres. »

PHOTO FOURNIE PAR MIKE BOLDUC

Certains articles saisis au pénitencier de Cowansville

Un laisser-aller paradoxal. « On est l’enfant pauvre du système », déplore M. Bolduc. Il juge contre-productif d’injecter des millions dans des projets de lutte contre la violence armée, mais de ne rien donner aux établissements voués à la réinsertion des criminels. « On attend des scanneurs corporels depuis des décennies. Les aéroports en ont. On n’a même pas cette option-là », affirme Mike Bolduc.

Il y a également un manque de responsabilisation des détenus. « Il n’y a pas ou peu de conséquences, peu de transferts après des saisies », croit-il.

Quelques chiffres

  • 49 téléphones cellulaires : 73 500 $
  • 133 blagues de tabac : 106 400 $
  • 3154 grammes de haschisch : 315 430 $
  • 413 grammes de marijuana : 1380 $
  • 46 grammes de cocaïne : 23 050 $
  • 5250 comprimés de méthamphétamine : 262 500 $
  • 97 grammes de wax : 9750 $

Saisies à Cowansville entre mai et septembre 2023 et valeur institutionnelle de la marchandise illicite

Source : données fournies par Mike Bolduc