Une femme de 45 ans auteure de l’une des plus importantes fraudes de l’histoire dans un casino québécois s’en tire sans peine de prison. La juge note parmi les facteurs atténuants le fait que sa vie a été ruinée par une « forte dépendance » au jeu qui lui a coûté des millions, l’a plongée dans la dépression et même des idées suicidaires.

L’Ontarienne Yuan Wang s’était rendue au Casino du Lac-Leamy, à Gatineau, le 8 août 2018. Munie d’une traite bancaire de la Banque Nationale forgée de toutes pièces, elle a réussi à retirer 545 800 $ au comptoir.

Lorsqu’un employé du casino a composé le numéro de la banque inscrit sur le faux document, un complice de la dame lui a certifié au téléphone que la traite était valide. Elle ne l’était pas.

L’employé du casino a remis la somme en argent comptant et en jetons à Yuan Wang. Loto-Québec venait de se faire dérober un demi-million.

Quelques jours plus tôt, le 3 août 2018, un autre Ontarien a utilisé l’exact même modus operandi, toujours au Casino du Lac-Leamy. Daud Srosh, 48 ans, avait réussi à retirer 540 000 $ lui aussi avec une fausse traite bancaire de la Banque Nationale.

Cette fraude d’un million de dollars survenue en l’espace d’une semaine est peut-être la plus importante de l’histoire de la société d’État qui se spécialise dans les jeux de hasard.

Malgré l’importance de la fraude, qui aurait mérité de 6 mois à 3 ans de détention, selon la jurisprudence, la juge Rosemarie Millar de la Cour du Québec a imposé une peine avec sursis à la fraudeuse, qui a plaidé coupable.

Wang est également condamnée à trois ans de probation durant lesquels elle ne pourra fréquenter de casino. Elle devra rembourser 125 000 $ à Loto-Québec.

« À première vue, c’est vrai que cette peine paraît clémente », écrit la juge dans sa décision du 8 septembre rendue en anglais. Mais elle est juste selon la magistrate compte tenu de plusieurs facteurs atténuants, dont l’importante dépendance au jeu de la fraudeuse, ses problèmes de santé mentale ou encore l’absence de casier criminel.

L’accusée, qui a plaidé coupable, aurait perdu 3 millions de dollars dans différents casinos canadiens au fil des ans. Elle a mis plusieurs fois sur hypothèque la maison que ses parents, des immigrants chinois, lui avaient offerte pour son mariage.

« Sans la générosité de ses parents, elle serait à la rue », note la juge. « Cette dépendance au jeu a gâché sa vie », lâche quant à lui l’avocat de la dame, mère de deux enfants.

La juge note que Daud Srosh, l’autre fraudeur du Casino du Lac-Leamy, a lui aussi reçu une peine avec sursis devant un tribunal ontarien pour ses fraudes dans des casinos du Québec et de l’Ontario. L’homme aussi aux prises avec des problèmes de dépendance au jeu aurait perdu 4 millions de dollars au fil des ans.

Loto-Québec : des pratiques mises à jour

Loto-Québec a fait valoir au tribunal dans une lettre l’impact qu’a eu cette fraude de 545 000 $ sur la société d’État. La réputation de la Société des casinos du Québec a été entachée par les nombreux articles dans les médias sur ces fraudes historiques. Des employés ont aussi perdu leur emploi dans la foulée d’une enquête interne.

La juge a reçu la lettre écrite par le responsable de la sécurité du Casino du Lac-Leamy avec circonspection, si on en croit le jugement.

La Cour prend acte du contenu de la lettre. Cependant, elle ne peut oublier la nature de l’industrie du jeu et l’impact qu’ont les offres de paris sur ceux qui souffrent d’une dépendance au jeu.

Extrait de la décision de la juge Rosemarie Millar

La juge reconnaît toutefois l’ampleur de la fraude. Elle a rejeté la suggestion de la défense qui réclamait une absolution conditionnelle. Elle a plutôt retenu une peine avec sursis assortie de plusieurs conditions.

Cette peine est-elle assez sévère pour dissuader d’autres fraudeurs de s’en prendre aux casinos québécois ?

« Loto-Québec respecte la décision de la Cour », a fait savoir la société d’État dans un courriel envoyé à La Presse.

« Par ailleurs, nous avons en place des pratiques, des systèmes et des procédures de contrôle et de vérification qui sont constamment revus et mis à jour afin de minimiser les risques liés à ce type de fraude. »

Loto-Québec n’était pas en mesure de dire jeudi combien elle avait pu récupérer sur le million perdu en août 2018 au Casino du Lac-Leamy.