L’un des Hells Angels les plus influents au Québec, Marvin Ouimet, sera bientôt libéré aux deux tiers de sa peine. Craignant une récidive de la part de ce motard endurci, la Commission des libérations conditionnelles du Canada lui impose de sévères conditions qu’il devra respecter jusqu’à la fin de sa peine.

Ouimet, 54 ans, surnommé Casper, membre de la section des Hells Angels de Trois-Rivières, a été condamné à 27 ans de pénitencier en 2014 après avoir plaidé coupable à des accusations de complot pour meurtre, dans la foulée de l’enquête SharQc (2009), et à des chefs de complot de blanchiment d’argent et de gangstérisme, à la suite de l’enquête Diligence (2009) visant un groupe d’individus qui avaient tenté d’infiltrer l’industrie de la maçonnerie.

En soustrayant la période passée en détention préventive et en tenant compte d’une décision de la Cour d’appel qui a été favorable à plusieurs membres des Hells Angels condamnés après l’opération SharQc, Ouimet peut maintenant bénéficier d’une libération d’office, aux deux tiers de sa peine.

Cette procédure est automatique, mais les commissaires peuvent toutefois imposer de sévères conditions à un individu qui, selon eux, représente toujours un risque pour la société.

Un tireur de relève

Dans leur décision de huit pages rendue lundi, les commissaires aux libérations conditionnelles soulignent certains progrès réalisés par Ouimet lors de son incarcération, lui qui s’est pleinement impliqué dans des activités liées à ses origines autochtones.

En revanche, ils notent un « potentiel de réinsertion sociale faible » pour Ouimet, qui s’identifie toujours comme un membre actif des Hells Angels, écrivent les commissaires.

PHOTO FOURNIE

Marvin Ouimet (assis à l’extrême gauche, de dos) a continué de fréquenter des détenus liés aux motards pendant son incarcération, comme le démontre cette photo prise lors d’un souper qui a eu lieu dans la cour du pénitencier de Drummondville en août 2019.

« Vous auriez été, selon les informations consignées à votre dossier, “ tireur de relève ” dans le cadre de complots de meurtre. De l’avis de la Commission, votre propension à la violence est clairement démontrée. Il l’a également été dans le cadre de vos activités de recyclage des produits de la criminalité ; vous avez usé d’intimidation et de menaces dans au moins un cas, pour prendre le contrôle d’une entreprise. »

« Ce qui est hautement préoccupant dans votre cas, c’est que malgré tout le cheminement que vous dites avoir fait, vous ne remettez toujours pas en question votre affiliation aux Hells Angels. Vous avez commencé à frayer avec le crime organisé il y a près de trente ans (1994), et le fait que vous souhaitiez demeurer membre d’un groupe criminel laisse croire que vous n’avez pas fait le deuil des sentiments de valorisation et de pouvoir liés à ce mode de vie, ni des valeurs délinquantes et violentes qu’il suppose », écrivent notamment les commissaires.

Assigné à résidence

Ouimet devra demeurer dans un établissement communautaire désigné et reconnu par Service correctionnel Canada durant une période d’au moins six mois.

Les commissaires interdisent au motard, qui possède au moins une entreprise, d’être responsable d’investissements ou de questions financières pour une autre personne ou une entreprise, d’être travailleur autonome et de posséder ou d’exploiter une entreprise. Ils l’obligent à divulguer toutes ses transactions financières : revenus, dépenses, dettes, opérations bancaires, etc.

Marvin Ouimet ne pourra posséder plus d’un téléphone cellulaire et devra donner à ses surveillants l’accès à sa facturation, ses registres d’appels, ses messages textes, ses messages vocaux et ses visites sur des réseaux sociaux.

Enfin, le motard ne pourra communiquer avec toute personne dont il sait qu’elle est impliquée dans le crime organisé ou dans des activités criminelles, et fréquenter les débits de boisson.

Trop restrictif, selon Ouimet

Par l’entremise de son avocate, Ouimet a envoyé des lettres à la Commission ces dernières semaines dans lesquelles il a contesté certaines des conditions qu’on voulait lui imposer.

Il a notamment fait valoir que l’assignation à résidence, le fait de ne pouvoir être travailleur autonome et de ne pouvoir posséder qu’un seul téléphone cellulaire, y compris pour son entreprise, étaient des conditions « beaucoup trop restrictives » parce que le risque qu’il représente pour le public est « faible ».

Ouimet a également contesté le fait qu’on voulait lui imposer un couvre-feu à la résidence qui lui a été désignée et l’obliger à déclarer ses relations.

Prudents, les commissaires lui ont donné raison sur ces deux points, mais pas sur les autres.

Il a aussi demandé que la condition lui interdisant d’être en contact avec des individus liés au crime prévoit une exception pour les rencontres familiales, mais les commissaires lui ont opposé une fin de non-recevoir.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

Qui est Marvin Ouimet ?

  • Ancien membre des Rowdy Crew de Lavaltrie
  • Membre des Hells Angels depuis octobre 1999
  • Accusé de 22 meurtres à la suite de l’opération SharQc menée le 15 avril 2009, il sera arrêté en novembre 2010, après une cavale d’un an et demi.
  • En 2014, il plaide coupable à un chef réduit de complot pour meurtre et à des accusations de complot pour blanchiment d’argent et de gangstérisme, après avoir voulu prendre le contrôle de l’entreprise de maçonnerie LM Sauvé.
  • Cette tentative de prise de contrôle a fait l’objet des travaux de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (Charbonneau).
  • Le 31 août 2016, Ouimet bénéficie, avec 34 autres motards, d’une réduction de peine accordée par la Cour d’appel.