Maigre et déshydratée. Des plaies de pression qui exposent ses os. Une hygiène corporelle déficiente : c’est l’état dans lequel Johanne Bilodeau serait morte à l’automne 2020. Le procès de Bruno Turcotte, accusé d’avoir laissé mourir sa conjointe quasi paralysée sans lui prodiguer les soins nécessaires, s’est ouvert mercredi matin au palais de justice de Laval.

Ce qu'il faut savoir

  • Bruno Turcotte, un homme de Terrebonne dans la soixantaine, est accusé d’homicide involontaire.
  • Il aurait laissé sa conjointe Johanne Bilodeau mourir sans lui prodiguer les soins nécessaires.
  • La victime de 58 ans était quasi paralysée. Elle avait besoin d’aide pour se déplacer, se nourrir et se laver.
  • Admise à l’hôpital en septembre 2020 avec de nombreuses plaies, Johanne Bilodeau meurt au lendemain de son arrivée.

L’homme de Terrebonne est accusé d’homicide involontaire. Il aurait omis de fournir à sa conjointe Johanne Bilodeau les soins nécessaires plusieurs semaines avant son décès, selon l’exposé de la procureure de la Couronne Geneviève Aumond.

La victime est transportée à l’hôpital Pierre-Le Gardeur en piteux état le 23 septembre 2020, a-t-elle décrit. Elle est « dénutrie, déshydratée et maigre », selon la théorie de la poursuite. Son hygiène corporelle est déficiente. Elle a des trous au niveau de la cage thoracique. Plusieurs plaies de pression sont visibles sur son corps.

« Certaines exposant même ses os », a souligné MAumond dans sa déclaration d’ouverture au jury mercredi matin.

Johanne Bilodeau meurt d’un choc septique causé par de multiples infections le lendemain, indique la poursuite. « L’ensemble de ses blessures auraient pu être traitées et guéries si elle avait reçu des soins médicaux adéquats et si ses besoins de base tels que se nourrir, s’hydrater et se laver avaient été comblés. À son transport à l’hôpital, il était trop tard », a laissé tomber la procureure.

Dépendante de son conjoint, dit la Couronne

La victime fait un AVC en 2011. L’évènement la laisse avec de lourdes séquelles : incapable de marcher, de se laver, de se nourrir et de s’exprimer convenablement.

Son conjoint Bruno Turcotte choisit de garder sa femme à la maison, a expliqué la Couronne. La victime et l’accusé étaient mariés. Ils sont les uniques occupants de leur appartement de Terrebonne dans les mois précédant la mort de Johanne Bilodeau.

« Elle était complètement dépendante de son partenaire, incapable de subvenir à ses besoins de base », a indiqué la procureure de la Couronne, MGeneviève Beaumont, dans sa déclaration d’ouverture. L’accusé refuse à plusieurs reprises l’offre de services supplémentaires proposée par le système de santé, selon la Couronne.

La médecin de famille témoigne

Bruno Turcotte souhaite que sa conjointe reçoive des soins à domicile et il en fait part. « Elle ne [remplissait] pas les critères de service de soins à domicile », a expliqué au jury la Dre Stéphanie Sanche, médecin de famille de la victime depuis juin 2011, soit quelques mois après son AVC.

L’AVC laisse Johanne Bilodeau incapable de marcher, en fauteuil roulant, a confirmé la spécialiste de la santé, premier témoin de la poursuite. Son bras et sa jambe gauche sont paralysés. Elle s’exprime difficilement, a de la difficulté à avaler de la nourriture.

« Elle n’était pas en mesure de veiller à sa sécurité et d’appeler le 911 seule. Elle était complètement dépendante pour l’hygiène et les déplacements », a décrit la professionnelle de la santé.

C’est la fille de Bruno Turcotte – préposée aux bénéficiaires – qui la met en contact avec Johanne Bilodeau, a ajouté la Dre Sanche.

Lors d’un rendez-vous en 2014, elle remarque que la patiente a pris du poids. « Elle était obèse », explique la Dre Sanche.

Durant les rencontres avec sa patiente, cette dernière est « très impatiente » et demande de s’en aller. Johanne Bilodeau passe la plus grande partie du temps alitée, explique son conjoint à la médecin, selon son témoignage. En novembre 2017, la médecin constate une enflure au niveau de sa jambe gauche, paralysée.

Sans nouvelles depuis 2017

Après 2017, la médecin n’a pas revu Mme Bilodeau. « Je ne suis pas en mesure d’expliquer pourquoi » : elle n’a ensuite pas de nouvelles de Mme Bilodeau et de Bruno Turcotte, selon son témoignage de mercredi.

Lise Fortin, une travailleuse sociale au CLSC responsable du suivi de Johanne Bilodeau, a également témoigné.

Elle a affirmé au jury avoir eu de la difficulté à joindre Bruno Turcotte : « J’ai laissé beaucoup de messages, mais c’était lui parler qui n’était pas facile. »

Elle lui offre de l’aide pour les soins d’hygiène de sa conjointe à l’été 2019, a-t-elle expliqué. « Il refuse », a-t-elle souligné.

Le procès se poursuit jeudi devant le juge Daniel W. Payette. C’est MMarc Labelle qui défend l’accusé. Le ministère public est représenté par MGeneviève Aumond et MKarine Dalphond.