Le milliardaire montréalais Robert Miller, déjà accusé par des dizaines de femmes d’avoir recruté des mineures afin d’assouvir ses pulsions sexuelles, aurait aussi aidé d’autres hommes fortunés à obtenir des services de prostitution juvénile, allègue une nouvelle poursuite déposée en Cour supérieure du Québec.

La demanderesse à l’origine de cette poursuite contre le fondateur de la multinationale Future Electronics est simplement identifiée par les initiales A. B. dans la requête. Le document déposé au palais de justice de Montréal a été rédigé par son avocate, MMaryse Lapointe.

« A. B. a été victime d’exploitation sexuelle au sein d’un réseau de recrutement de jeunes filles à des fins de travail du sexe mis en place par le défendeur Robert Gerald Miller et des représentants de Future Electronics Inc., réseau dans lequel elle a été agressée sexuellement un nombre incalculable de fois », précise la poursuite.

La femme dit être entrée en contact avec ce réseau en répondant à une petite annonce au cours de l’année 1994-1995 alors qu’elle était mineure. Le recrutement était coordonné par Raymond Poulet, un collaborateur du milliardaire.

Hommes nantis et influents

« Certaines jeunes filles recrutées […] rencontraient également d’autres hommes nantis et influents qui gravitaient dans les cercles de Miller et de Poulet », précise la requête.

« La demanderesse a été forcée à avoir des relations sexuelles avec moult hommes matures dont elle ne connaissait pas l’identité, et ce, chaque semaine, pendant plusieurs années, le tout, tel qu’orchestré par Poulet, qui était rémunéré par Future, pour le bénéfice de Miller », mentionne la poursuite.

A. B. affirme ensuite que Poulet a « fait d’elle sa conjointe » et qu’elle aurait eu un enfant avec lui alors qu’elle était sous son emprise. Elle dit aussi avoir été payée par Robert Miller pour espionner M. Poulet lorsque ce dernier aurait menacé de dévoiler à la police ce qu’il savait sur le réseau de prostitution.

La femme mentionne par ailleurs que lorsque la police de Montréal a mené une enquête sur les agissements de M. Miller, elle a été interrogée en présence d’un avocat « qui se présentait comme l’avocat des victimes », mais qui était « vraisemblablement » payé par Future Electronics.

Cet avocat, MStephen Angers, « était plutôt présent pour empêcher les victimes de parler ».

« Ainsi, Miller est entièrement responsable des atteintes aux droits de la demanderesse survenues au sein de ce réseau, et des agressions sexuelles qu’elle y a subies pendant toutes ces années », affirme la poursuite, qui réclame 10 millions de dollars en dommages pour A. B.

Joint par La Presse, Raymond Poulet a nié en bloc les allégations de la poursuite, mais n’a pas voulu s’étendre davantage avant d’avoir consulté son avocat.

Quant à l’avocat Stephen Angers, un vétéran criminaliste qui a travaillé dans plusieurs procès d’envergure depuis des années, il a lui aussi contesté le portrait qui est dépeint par la poursuite.

« Évidemment je ne peux pas discuter de mes relations avec mes clients puisque je suis tenu par le secret professionnel. Mais dans tous les cas, mes clients, et les autres personnes que je suis appelé à côtoyer dans mon travail, je les traite avec respect et humanité, toujours en conformité avec mon code de déontologie », a-t-il martelé lors d’un court entretien téléphonique.

Des allégations fausses, selon le milliardaire

L’avocat de Robert Miller n’a pas souhaité commenter les allégations dans l’immédiat, car il n’avait pas encore analysé la nouvelle poursuite. Dès les premiers témoignages qui l’accusaient d’avoir profité de jeunes filles mineures, M. Miller avait dénoncé par voie de communiqué des allégations « malicieuses », « fausses » et « complètement non fondées ». Il les niait « catégoriquement et avec véhémence », faisant valoir qu’elles avaient « été soulevées à la suite d’un divorce acrimonieux » et qu’elles étaient « maintenant répétées pour un gain financier ».

L’affaire avait débuté par la diffusion d’un reportage de l’émission Enquête de Radio-Canada en février. L’enquête journalistique évoquait une dizaine de femmes qui disent avoir eu des relations sexuelles contre de l’argent avec le milliardaire Robert Miller, fondateur de Future Electronics, entre 1994 et 2006. Six d’entre elles auraient affirmé qu’elles étaient mineures au moment des faits.

Le reportage décrit tout un système de recrutement, d’encadrement et de distribution de cadeaux et d’argent pour les filles.

L’histoire jusqu’ici

  • Le 2 février, Radio-Canada diffuse un reportage sur « le système Miller ». Une dizaine de femmes disent avoir eu des relations sexuelles contre de l’argent avec le milliardaire entre 1994 et 2006, dont six qui affirment qu’elles étaient mineures au moment des faits.
  • Le 3 février, Robert Miller démissionne de son poste de président de Future Electronics, la multinationale qu’il a fondée, tout en niant les allégations à son endroit. Il demeure propriétaire de l’entreprise.
  • Le 22 février, une femme dépose une demande d’action collective au nom de toutes les adolescentes qui auraient été recrutées pour offrir des services sexuels à M. Miller. La demanderesse dans ce dossier dit avoir été recrutée vers 1996 à l’âge de 17 ans.
  • Le 10 mai, une femme dépose individuellement une nouvelle poursuite contre Robert Miller et plusieurs codéfendeurs. Elle réclame 8 millions de dollars en dommages.
  • Le 12 août, après l’ajout de plusieurs femmes, la demande d’action collective compte désormais 36 plaignantes.