(Montréal) Un homme dans la quarantaine en situation d’itinérance est mort poignardé lundi soir dans le Plateau-Mont-Royal. Un triste évènement qui témoigne d’une réalité préoccupante : vivre dans la rue est de plus en plus risqué, surtout pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de consommation, signale la responsable des services d’urgence d’un organisme.

Entre les conflits liés aux vols et à la drogue et les comportements agressifs découlant des enjeux de santé mentale et de la consommation, les hommes et les femmes en situation d’itinérance ont toujours fait face au danger, rappelle Émilie Fortier, de la Mission Old Brewery. Mais des cas comme celui de cet homme tué avec un objet tranchant, on pourrait en voir de plus en plus.

Biplope Dash, un homme de 42 ans, a été découvert sans vie lundi soir dans un parc de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, avenue De Gaspé, le Champ des possibles. La victime, un sans-abri installé dans une tente pour la nuit, a été poignardée au haut du corps. Son décès a été constaté sur place après des tentatives de réanimation. On ignore pour l’heure si un conflit est survenu avant les faits.

Il s’agit du 15e meurtre à survenir cette année sur le territoire du Service de police de la Ville de Montréal.

On ne signale aucune arrestation dans ce dossier pour le moment. Le défunt avait quelques antécédents judiciaires en matière de vol, d’agression et de menaces.

« La consommation accrue de substances de plus en plus dangereuses augmente le risque de psychoses ou simplement de comportements impulsifs et violents dans la rue », résume Mme Fortier.

Manque de logements, refuges débordés, aide psychologique et psychiatique peu accessible : ces évènements malheureux et imprévisibles se multiplient alors que le tissu social s’effrite, selon elle.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Émilie Fortier, directrice des services d’urgence de la Mission Old Brewery

Des décès il y en a énormément, toutes les semaines depuis deux ans, que ce soit par surdoses ou violences.

Émilie Fortier, directrice des services d’urgence de la Mission Old Brewery

Le réseau communautaire est confronté de plus en plus souvent à des actes dérangeants et agressifs, remarque-t-elle. « On a beau être le plus accueillant, la violence dirigée, c’est vraiment notre limite. On a vu une augmentation des appels qu’on fait au SPVM. »

Manque d’aide adéquate

Dormir sous une tente pendant la nuit rend les personnes en situation d’itinérance plus vulnérables aux attaques. « C’est sûr que si tu as accès à un logement, tu es moins à risque d’être victime de ce type d’agression. » Elle rappelle aussi que l’aide psychologique et psychiatrique est de plus en plus difficile à obtenir rapidement. « C’est déjà très dur pour monsieur et madame Tout-le-Monde d’avoir accès à de l’aide. Alors imaginez quelqu’un dans la rue. »

La solution qui pourrait prévenir ces drames : plus d’intervenants de proximité et des logements spécialisés en plus des refuges. Il faudrait des milieux de vie adéquats où l’intervention se fait quotidiennement, dit Mme Fortier.

« Ça va prendre éventuellement un leadership qui dit : on accepte une solution plus dispendieuse pour la société, mais les personnes vulnérables sont dans un logement sécuritaire et supervisé », croit Mme Fortier.

Malgré la disponibilité de certaines ressources temporaires, beaucoup de gens vivant dans la rue choisissent les campements, une option de dernier recours. Beaucoup ont des traumatismes par rapport à leur séjour en refuge, ne veulent pas se faire voler leurs effets personnels ou ont de la difficulté à cohabiter avec des inconnus. « Il y a aussi des gens conscients qu’ils ne peuvent contrôler leurs symptômes de maladies mentales, donc préfèrent ne pas passer la nuit dans un dortoir », indique Mme Fortier.

« Ce n’est pas agréable, mais ils évaluent que le danger est moins grand dehors. Mais s’ils avaient le choix d’un logement supervisé, ils y seraient peut-être. Mourir poignardé dans une tente, c’est d’une grande tristesse », ajoute-t-elle.