Cinq ans après sa condamnation pour l’exploitation sexuelle d’une adolescente, le chanteur déchu Luck Mervil souhaite être retiré du Registre des délinquants sexuels. L’artiste prétend que son inscription affecte le « développement de sa carrière » et l’empêche de voyager et de faire des rencontres.

L’auteur-compositeur-interprète (dont le vrai nom est Lucknerson) a été condamné à six mois de prison à domicile en mai 2018 au palais de justice de Montréal. Il avait reconnu avoir commis des gestes sexuels sur une adolescente en 1996, alors qu’il était en position d’autorité ou de confiance à son égard. La victime lui avait dit non au moins 60 fois.

Si sa peine était brève, son inscription au Registre des délinquants sexuels ne l’était pas : une période de 20 ans. Cette étiquette lourde de conséquences, Luck Mervil n’en veut plus. C’est pourquoi il demande à la Cour supérieure du Québec de radier son nom du Registre. Il estime que son inscription viole son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité.

Sa requête découle d’un récent arrêt de la Cour suprême, qui est venu invalider certains pans de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Ainsi, depuis l’arrêt Ndhlovu, l’inscription au Registre n’est plus obligatoire en matière d’infractions sexuelles, puisqu’elle porte atteinte au droit à la liberté des délinquants.

Le plus haut tribunal du pays a rappelé que l’objectif de ce registre était d’aider les policiers à prévenir les crimes sexuels et à enquêter sur ceux-ci. Ainsi, un délinquant qui n’a pas de risque « accru » de récidive sexuelle ne devrait pas en principe être inscrit au Registre. Dans les derniers mois, plusieurs délinquants ont réussi à être désinscrits du Registre.

Dans sa requête, Luck Mervil fait valoir qu’il présente peu de risque de récidive et que, de ce fait, son inscription n’a « aucun lien » avec l’objectif du Registre. Il estime que les exigences de la loi ont un « effet démesuré pour lui par rapport à l’intérêt public ».

« Il contribue activement à la société québécoise. Le requérant est un artiste multidisciplinaire (producteur, auteur, compositeur, acteur, conférencier et animateur) et un activiste humanitaire », indique la requête, déposée en mai dernier par MPhilippe Larochelle.

L’artiste de 55 ans énumère une longue liste d’impacts de son inscription au Registre : sa carrière a été affectée, il craint la surveillance aléatoire des policiers, il ne peut pas voyager, sa confiance a été touchée, il ne peut pas développer de relations personnelles intimes, etc.

Luck Mervil déplore également que son inscription garde « omniprésent un acte qui a eu lieu il y a plus de 25 ans ».

Séance « d’improvisation »

La victime de 17 ans a subi une violente agression sexuelle aux mains de Luck Mervil, un homme de confiance de son entourage qu’elle connaissait depuis son enfance. « Je pense m’être battue, mais je n’ai pas réussi à me sortir de son emprise. Il a réussi à me violer. […] J’avais vraiment peur », avait-elle témoigné lors de l’enquête préliminaire.

L’agression s’est déroulée pendant une séance « d’improvisation », alors que Luck Mervil voulait évaluer le talent de l’étudiante en arts dramatiques. Pendant la séance, le chanteur populaire a agrippé l’adolescente et l’a embrassée sur la bouche de « façon inappropriée ».

« Il me dit : ‟Ben là, on joue la comédie. Tu veux me montrer que tu es une bonne comédienne ou pas ? Dans les films, il y a des scènes d’amour, comment tu vas gérer s’il y a une scène d’amour ? Des fois, tu dois être toute nue, comment tu vas faire si tu es trop pudique ? » », a témoigné la victime à l’enquête préliminaire.

Selon l’adolescente, Luck Mervil l’a ensuite jetée sur le sofa, s’est couché sur elle et lui a enlevé son soutien-gorge en la tenant fermement. « J’ai mis toute la force possible pour m’enlever de son emprise. Mais il était suffisamment fort pour pas qu’un millimètre ne bouge », a-t-elle témoigné.

Précisons qu’en plaidant coupable, Luck Mervil a seulement reconnu la trame factuelle générale, et non l’ensemble de ces détails relatés à l’enquête préliminaire.

Le dossier sera de retour en cour à la fin de juillet.

Liste des obligations imposées par l’inscription au Registre

  • Fournir ses renseignements détaillés, dont sa taille, son poids, ses véhicules et ses adresses
  • Fournir un numéro de téléphone pour être joint en tout temps
  • Signaler toute absence de sa résidence de plus d’une semaine
  • Indiquer à l’avance ses dates de départ et de retour