Cannettes de boissons gazeuses modifiées, boîtes de croustilles Pringles : une agente correctionnelle d’expérience utilisait d’ingénieux stratagèmes pour refiler de la drogue, des armes et des cellulaires aux détenus de la prison de Rivière-des-Prairies. Fania Jean-Charles s’est toutefois fait pincer par son odeur de cannabis.

Agente correctionnelle depuis 2008, Fania Jean-Charles travaillait à l’hiver 2021 à la guérite d’un secteur de la prison de Rivière-des-Prairies, dans l’est de Montréal. Selon la preuve, la fonctionnaire corrompue a introduit illégalement en prison du cannabis, des armes artisanales et d’autres objets illicites pour à peine 5 000 $ en contrepartie.

Même si la drogue était bien dissimulée, Fania Jean-Charles n’était pas très subtile pour dissiper l’odeur du cannabis. En effet, ses collègues ont senti à plusieurs reprises des effluves de cannabis dès son arrivée dans la guérite. Les autres agents ont aussi observé leur collègue faire souvent des allées et venues vers un secteur de la prison.

Observée par les caméras de surveillance, Fania Jean-Charles s’est fait prendre en flagrant délit en mars 2021, alors qu’elle déposait un sac de papier brun devant la porte coulissante d’une aile complète. Elle avait effectué le même manège quelques jours plus tard, indique le résumé des faits présenté en cour.

Deux cannettes de boissons gazeuses se trouvaient dans le sac de papier brun. Ces cannettes modifiées avec double fond dissimulaient un véritable trésor : 139 g de cannabis et 114 g de tabac. Le colis cachait aussi trois cellulaires, avec des cartes SIM et SD, ainsi que cinq lames de couteau et cinq briquets. Un cellulaire peut valoir de 500 $ à 2500 $ en prison.

La Presse révélait d’ailleurs en janvier que le nombre de cellulaires saisis en prison avait explosé en 2021-2022, passant en un an de 454 à 886. Un téléphone permet notamment à un détenu de poursuivre ses affaires criminelles malgré son incarcération.

Les autorités ont découvert chez Fania Jean-Charles d’autres « plugs » enrubannées de ruban électrique noir, laissant ainsi croire que d’autres livraisons se tramaient. On comptait 228 g de cannabis compressés, 46 g de tabac, deux cellulaires, une tablette et une carte SIM neuve.

Un téléphone trouvé chez elle a permis de découvrir ses échanges avec un détenu de Rivière-des-Prairies, Jahvon Collins, accusé de complot dans la présente affaire. « Ils vont planifier des entrées de produits illicites destinés à des détenus », indique le résumé des faits. Notons que Jahvon Collins, 25 ans, n’a pas reconnu sa culpabilité jeudi. Son dossier revient prochainement devant le tribunal.

Le troisième coaccusé dans ce dossier, Rick Shayne Stivens, était l’ami de cœur de l’agente correctionnelle à l’époque. Il aurait reçu un montant pour avoir facilité les transactions entre les deux autres accusés. Les procédures judiciaires contre Rick Shayne Stivens, 41 ans, sont toujours en cours.

L’avocate de Fania Jean-Charles a demandé la confection d’un rapport présentenciel en vue de la détermination de la preuve. À son avis, l’accusée présente une réhabilitation déjà « convaincante » et « bien amorcée », a indiqué MValérie Acosta.

MSara Henningsson représente le ministère public.