Personne n’est au-dessus des lois. Une procureure de la Couronne qui a fui les policiers après avoir causé un accident en état d’ébriété écope d’un casier judiciaire. Alice Bourbonnais-Rougeau avait tenté de faire valoir son « statut privilégié » de procureure.

Au terme de longues procédures judiciaires, le juge Gabriel Boutros de la Cour municipale de Montréal a déclaré coupable vendredi dernier MAlice Bourbonnais-Rougeau de deux chefs d’accusation : délit de fuite et avoir conduit son véhicule avec les facultés affaiblies par l’alcool, le 24 avril 2021.

La procureure au Bureau de la grande criminalité au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a été condamnée à une absolution conditionnelle pour le délit de fuite et à une amende de 1000 $ pour l’autre chef. Ainsi, elle devra traîner un casier judiciaire pendant plusieurs années. Il lui sera également interdit de conduire pendant un an.

Les conséquences de cette condamnation sur sa carrière au DPCP sont encore inconnues.

L’avocate de 30 ans rentrait chez elle ce soir-là au volant de son véhicule. Incapable de se stationner en parallèle, même s’il y avait amplement d’espace, Alice Bourbonnais-Rougeau a accéléré soudainement, puis a percuté la voiture d’Anatoly Anisin, le témoin clé du procès.

D’emblée, Anatoly Anisin a remarqué les yeux vitreux de la conductrice. À deux reprises, Alice Bourbonnais-Rougeau lui a dit vouloir « s’arranger » avec lui. Elle a ensuite tenté de lui donner sa carte de procureure, mais le témoin a refusé, préférant appeler les secours. Quand il a appelé au 911, la conductrice s’est mise à courir jusqu’à chez elle.

« [Elle] est une procureure de la poursuite. Elle doit savoir qu’elle commet une infraction en quittant la scène après la collision avec le véhicule de M. Anisin. […] Le Tribunal ne voit pas quelle raison elle aurait pu avoir pour quitter les lieux, à part ce qui est évident en soi : elle ne voulait pas interagir avec la police », analyse le juge Boutros.

Selon une autre témoin, Alice Bourbonnais-Rougeau avait une démarche « chambranlante » en se déplaçant. Une demi-heure après l’accident, les policiers ont senti une forte odeur d’alcool émaner de la conductrice. Dans une discussion par une fenêtre, l’accusée disait d’ailleurs aux policiers être procureure de la Couronne et « connaître des enquêteurs qu’elle va appeler ».

« C’est un statut privilégié qu’elle essaie d’utiliser afin de se placer hors de la portée des agents », avait décrit le juge dans un jugement sur une requête préliminaire.

Après avoir fui la scène de la collision, Alice Bourbonnais-Rougeau s’est barricadée chez elle pendant cinq heures en attendant que les policiers obtiennent un mandat pour l’arrêter. La procureure a tenté en vain de faire valoir qu’elle était détenue illégalement chez elle. Selon le juge, c’est elle qui était « l’architecte de son propre malheur ».

MDenis Gallant et MAline Ramy ont représenté la Direction des poursuites pénales et criminelles de la Ville de Montréal, alors que MMarie-Pier Boulet a défendu l’accusée.