Trois jeunes Québécoises, dont deux adolescentes, ont décidé d’aller travailler pour un service de traiteur en Ontario. Sur place, elles ont subi des attouchements par leur employeur. Quatre ans plus tard, elles ont remporté une bataille judiciaire devant un tribunal du Québec pour être dédommagées.

Ce qu’il faut savoir

  • En 2019, trois jeunes femmes – dont deux adolescentes – ont subi des attouchements sexuels de la part de leur employeur québécois en Ontario
  • Elles ont entamé une poursuite civile devant la Cour supérieure du Québec
  • Leur employeur a aussi été accusé d’agression sexuelle en Ontario et a obtenu une absolution conditionnelle en 2021
  • Les trois victimes ont obtenu un dédommagement de près de 35 000 $ au total le 31 mars dernier

Sophie*, Stéphanie* et Mélanie* étaient âgées de 15, 16 et 21 ans quand elles ont décidé d’aller travailler pour l’été au Tandem Resto Traiteur. Cette entreprise immatriculée au Québec offrait un service de restauration dans un camp de vacances situé à Haliburton, en Ontario.

Les détails de l’affaire sont relatés dans un jugement de la chambre civile de la Cour supérieure du Québec, rendu le 31 mars dernier.

Ce qui devait être un sympathique emploi d’été a tourné au cauchemar pour les jeunes travailleuses. Au début de la saison estivale de 2019, leur employeur, André Paquet, propriétaire du service de traiteur, a commencé à leur effleurer les fesses et les seins pendant qu’elles s’efforçaient de vaquer à leurs tâches.

Quelques mois auparavant, M. Paquet avait reconnu sa culpabilité à l’égard d’une infraction de tentative de voyeurisme auprès d’une adolescente de 14 ans. Le commerçant avait bénéficié d’une absolution conditionnelle et faisait l’objet d’une ordonnance de probation. Il devait notamment respecter l’ordre public et avoir une bonne conduite.

Il était toujours en période de probation quand les trois jeunes femmes ont commencé à travailler pour lui entre le 26 mai et le 25 juin 2019. Elles ont quitté leur emploi le 1er juillet de la même année. Avec deux autres collègues, elles ont alors dénoncé M. Paquet à la police ontarienne.

Une deuxième absolution

André Paquet a été formellement accusé d’agressions sexuelles et de non-respect de ses conditions de probation en Ontario. Deux ans plus tard, en octobre 2021, il a reconnu sa culpabilité à l’égard d’une infraction moins grave de voies de fait envers l’une des cinq employées qui l’avaient dénoncé. Il a reconnu qu’il lui avait tiré les cheveux en lui disant qu’il allait lui montrer « comment ça marche », selon les documents judiciaires.

Ce faisant, il a obtenu une nouvelle absolution, à condition de respecter une autre probation de deux ans. Les chefs d’accusation contre lui ont été retirés à la demande du ministère public ontarien. Mais cette décision ne signifiait pas qu’il avait été acquitté des accusations d’agression sexuelle, précise-t-on.

C’est dans ce contexte que les trois jeunes femmes ont intenté une poursuite devant la Cour supérieure du Québec.

À répétition

Les attouchements ont débuté dès le premier jour de travail de Sophie, âgée de 15 ans, peut-on lire dans le jugement.

Le modus operandi de M. Paquet était de se déplacer dans la cuisine ou la salle à manger et de toucher subtilement les fesses de ses victimes, sans s’arrêter. Parfois, il effleurait aussi un sein en leur montrant certaines manœuvres de cuisine.

Dans le cas de Sophie, il l’aurait ainsi agressée jusqu’à 10 fois pendant les quelques jours où elle a été au service de son entreprise.

Les deux autres victimes ont raconté des histoires similaires. Or, la configuration des lieux permettait à M. Paquet de circuler « sans avoir à déplacer ou toucher qui que ce soit », précise-t-on dans le jugement.

Des milliers de dollars d’indemnisation

C’est la plus jeune des trois, Sophie, qui a d’abord parlé ouvertement des attouchements. Des extraits de messages textes envoyés à sa cousine en témoignent.

Puis, le 1er juillet, elle s’en est ouverte à sa mère. Les parents de Sophie ont immédiatement pris la route pour venir la chercher en Ontario. Un trajet de huit heures.

Le juge de la Cour supérieure Benoit Moulin a finalement donné raison aux trois jeunes femmes en indiquant dans son jugement que « la version de chacune des demanderesses, dans ses grandes lignes, est crédible, vraisemblable et digne de foi ».

« Chacune a été victime d’attouchements de la part de monsieur Paquet, peut-on aussi lire. Il ne fait aucun doute que ces attouchements ne sont ni involontaires ni accidentels et revêtent un caractère sexuel. […] La dénégation générale de monsieur Paquet ne fait pas le poids face aux versions des demanderesses. »

André Paquet devra dédommager chacune d’elles en leur versant des indemnisations de 9500 $ à 13 500 $, soit au total 34 500 $, plus les intérêts et frais de justice.

Au moment où ces lignes étaient publiées, ni M. Paquet ni les trois victimes n’avaient répondu à la demande d’entrevue de La Presse faite à leurs avocats respectifs.

* Noms fictifs