La police en Inde recherche trois hommes en lien avec la mort d’une famille du Gujarat qui tentait de se rendre aux États-Unis en bateau à partir d’Akwesasne, communauté mohawk située à la jonction du Québec, de l’Ontario et de l’État de New York, en mars.

Le service de police allègue que les hommes étaient impliqués dans la gestion d’entreprises d’immigration utilisées par des personnes pour entrer dans des pays avec de faux documents.

Quatre ressortissants indiens dont les corps comptaient parmi huit repêchés dans le Saint-Laurent étaient venus au Canada avec un visa touristique depuis leur État d’origine, le Gujarat. Il s’agissait du père, Praveen Chaudhari, 50 ans, de la mère, Daksha, 45 ans de leur fille, Vidhi, 23 ans, et de leur fils, Meet, 20 ans.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRESSE CANADIENNE

Les corps de Praveen Chaudhari, âgé de 50 ans, de Daksha, âgée de 45 ans, de leur fille Vidhi, 23 ans, et de leur fils Meet, 20 ans, ont été repêchés dans le Saint-Laurent,

Achal Tyagi, surintendant de la police de la ville de Mehsana, dans le Gujarat, a déclaré que les autorités avaient publié un avis de recherche visant trois hommes : Nikulsinh Vihol, Sachin Vihol et Arjunsinh Chavda.

L’avis est utilisé aux points de contrôle, aux frontières et dans les ports d’immigration pour repérer une personne recherchée par les forces de l’ordre.

Ils font face à des accusations criminelles d’homicide coupable ne constituant pas un meurtre, d’abus de confiance, de tricherie et d’incitation malhonnête à la livraison de biens et de complot.

« Les accusations auraient eu lieu à une date beaucoup plus tardive, a indiqué l’agent Tyagi dans une entrevue cette semaine. Nous essayons de les retrouver. »

M. Tyagi affirme qu’une plainte à la police a été enregistrée contre les hommes et que l’enquête en est encore à ses prémices. Selon cette plainte, traduite par La Presse Canadienne, au moins un des hommes, Sachin Vihol, vivait au Canada, et agissait à titre de personne-ressource.

La plainte a été déposée par le frère cadet de Praveen Chaudhari, Ashwin Chaudhari.

Des détails du périple de la famille

Les allégations contenues dans le rapport, qui n’ont pas été vérifiées par les tribunaux, fournissent quelques détails sur les derniers mouvements dans le périple de la famille Chaudhari.

Le rapport allègue que les personnes intermédiaires ont reçu l’équivalent d’environ 100 000 $ CAN pour faire entrer Praveen Chaudhari et sa famille aux États-Unis en taxi. Plus tard, les membres de la famille ont été convaincus à contrecœur, à la dernière minute, de voyager en bateau et ont été assurés qu’il n’y aurait pas de problème, malgré le mauvais temps.

Ashwin Chaudhari, un agriculteur de 40 ans, a déclaré dans la plainte qu’il était en contact avec la famille par le biais d’appels téléphoniques et de l’application mobile WhatsApp.

Selon la plainte, son frère Praveen lui aurait dit en janvier qu’il se rendait au Canada et qu’il avait reçu un visa de visiteur. On ne sait pas comment il a obtenu le document de voyage, mais la famille est montée à bord d’un vol de la ville d’Ahmedabad, en Inde, à destination de Toronto le 3 février 2023 et a écrit plus tard pour dire qu’elle séjournait dans un hôtel près d’un aéroport de Toronto.

Les Chaudharis auraient été contactés aux alentours du 10 mars par Nikulsinh Vihol, qui a dit qu’il pourrait les faire entrer aux États-Unis pour environ 100 000 $ CAN. Praveen a demandé à son frère de l’aider à financer le voyage, alors il s’est adressé à des proches pour collecter le montant.

Ce jour-là, Sachin Vihol, qui vivait prétendument au Canada, a pris des dispositions pour que la famille Chaudhari s’envole pour Winnipeg et Montréal le 23 mars, et les a déplacés à différents endroits au cours des six à sept jours suivants. Pendant ce temps, ils ne pouvaient pas se baigner, ils recevaient peu de nourriture et on leur disait à plusieurs reprises qu’il n’était pas sûr de traverser la frontière, selon la plainte.

Elle stipule également que Sachin Vihol, qui était au Canada depuis environ cinq ans, leur avait dit que le plan changeait et que la famille devrait faire la traversée sur l’eau via un trajet en bateau de cinq à sept minutes. Praveen Chaudhari a d’abord refusé, mais a finalement été persuadé de faire le voyage.

Lorsqu’un véhicule est venu les chercher, une famille roumaine était également à l’intérieur et souhaitait annuler en raison des conditions météorologiques.

« Au bout d’une heure environ, j’ai reçu un appel de mon frère disant que nous devions partir aujourd’hui, et comme Sachin l’a dit, si vous n’y allez pas, il y aura des problèmes », lit-on dans la plainte, citant Ashwin Chaudhari.

Plus tard, il a reçu un message texte de sa nièce sur le bateau, Vidhi, qui lui a dit qu’il ne fonctionnait pas correctement et que le temps était mauvais.

« Après cela, je n’ai eu aucun contact avec eux », indique le rapport.

Les corps des deux familles ont été retirés du fleuve Saint-Laurent à Akwesasne, à environ 130 kilomètres au sud-ouest de Montréal, les 30 et 31 mars.

Les quatre autres personnes décédées étaient les membres d’une famille roumaine de la région de Toronto qui fuyait après avoir reçu un ordre d’expulsion. Ils ont été identifiés comme étant Florin Iordache, sa femme Cristina (Monalisa) Zenaida Iordache, ainsi que leurs enfants nés au Canada, leur fille de deux ans Evelin et leur fils d’un an Elyen.

Des questions restent en suspens

Selon la plainte, Ashwin Chaudhari a appelé l’un des passeurs présumés en Inde après que son frère n’a pas rappelé et qu’on lui a dit d’attendre. Quelques heures plus tard, il a ensuite été informé que ses proches avaient été arrêtés par les autorités américaines et on lui a assuré que quelqu’un paierait leur caution.

Finalement, tout le monde s’est tu et les passeurs ont disparu. La nouvelle des décès a commencé à circuler dans les médias et les médias sociaux le 1er avril.

« C’est ainsi, concernant cet incident tragique, que nous avons appris que mon frère et sa famille sont morts à ce moment-là », indique le rapport.

S’exprimant dans une entrevue depuis l’Inde cette semaine, Ashwin Chaudhari a blâmé les passeurs en immigration présumés pour la tragédie et a exprimé sa confiance qu’ils seront traduits en justice.

« Nous sommes toujours sous le choc, a-t-il dit. Il ne reste plus rien. Nous avons perdu notre famille. »

M. Chaudhari a également réitéré ce qu’un autre membre de la famille avait dit plus tôt à La Presse Canadienne ; son frère aîné avait une peur bleue de l’eau.

« Je ne sais pas ce qui s’est passé et pourquoi, a-t-il raconté en s’effondrant. Je ne sais tout simplement pas. »

Sa mère âgée craque plusieurs fois par jour et n’a pas mangé un bon repas depuis l’annonce de la mort de son fils aîné, a-t-il déclaré.

« Nous ne sommes pas capables de penser. Nous ne sommes pas capables de fonctionner. Nous voulons juste des réponses. Que s’est-il passé ? Pourquoi ? »

Tyagi a dit avoir parlé avec la police canadienne une fois jusqu’à présent, mais n’a pas donné de détails. Personne n’a été accusé au Canada.

Un porte-parole du ministère fédéral de la Justice a déclaré cette semaine que les demandes d’extradition sont des communications confidentielles d’État à État et qu’il ne peut commenter une telle demande tant que les tribunaux ne les rendent pas publiques.

La Presse Canadienne n’a pas été en mesure de confirmer que Sachin Vihol est au Canada. Les forces de police, y compris la Gendarmerie royale du Canada, ont renvoyé des questions à la police mohawk d’Akwesasne, qui a indiqué cette semaine qu’elle poursuivait son enquête et ne fournirait aucun autre commentaire.

Les autorités recherchent toujours Casey Oakes, 30 ans, un résidant d’Akwesasne qui a été vu pour la dernière fois dans la nuit du 29 mars conduisant un bateau qui a été retrouvé à côté des corps des deux familles de migrants.