Un prédateur qui a agressé sexuellement plusieurs travailleuses du sexe en se faisant passer pour un policier mérite une sévère peine de huit ans de détention, puisqu’il a pris ces femmes pour cibles en raison de leur métier et de leur genre, selon le ministère public.

« Je suis consciente que la société a beaucoup de préjugés envers le métier d’escorte, mais je souhaite mentionner qu’on mérite, comme toutes les autres femmes, d’être respectées », insiste l’une des victimes, devant la cour. Marquée à vie, cette travailleuse du sexe affirme avoir subi un « réel traumatisme » par l’agression.

« Ce sont quatre femmes innocentes. Il a décidé de s’attaquer à elles seulement parce qu’elles étaient des femmes. Il les a choisies à cause de leur métier », a insisté jeudi la procureure de la Couronne, MAnna Levin, lors des observations sur la peine de Mohamad Abdool Koheeallee au palais de justice de Montréal.

Le Montréalais de 38 ans, ingénieur junior entre 2014 et 2016, se transformait en prédateur sexuel pendant la nuit, en 2019 et 2020. Son modus operandi était méticuleux : une fois que la travailleuse du sexe était dans son véhicule, il brandissait un insigne de police, se présentait comme un policier « undercover » et informait la femme qu’elle risquait un casier judiciaire.

Mohamad Abdool Koheeallee offrait ensuite à sa victime de lui faire une fellation pour éviter d’être arrêtée. Trois femmes ont été contraintes de poser de tels gestes, étant convaincues que l’homme était un véritable policier. L’une des victimes, une ex-fugueuse de 18 ans, a de plus subi deux agressions avec pénétration. Une quatrième victime a été relâchée par l’accusé sans avoir être agressée.

« Ma vie a été complètement ébranlée, j’ai rapidement sombré dans la drogue pour oublier », témoigne l’une des victimes, qui a contracté une ITS. Cette femme raconte avoir perdu tout intérêt pour la vie et ne plus se sentir en sécurité à l’extérieur. « Les crises de panique font partie de mon quotidien », confie-t-elle.

La procureure de la Couronne a beaucoup insisté sur le travail des victimes dans sa plaidoirie, en présentant la vision réductrice de l’agresseur. « [Selon lui], elles sont habituées. C’est leur gagne-pain. [Il se dit] : “Je ne vais simplement pas les payer, rien de plus. C’est comme une fraude” », a plaidé MLevin.

L’accusé perçoit d’ailleurs son stratagème de faux policier comme une « petite arnaque », selon le rapport sexologique, a fait valoir MLevin. Au contraire, il s’agit plutôt d’un exemple de « prédation » et de préméditation, selon la procureure. Des facteurs très aggravants.

Dans un rapport, Koheeallee jette le blâme sur le fait qu’il ne « dormait pas beaucoup », relève MLevin. Il évoque également un « duel » contre les femmes et un « triomphe des femmes » pour démontrer sa « normalité ». Des propos plutôt confus, aux yeux de la procureure.

L’avocate de la défense, MMarie-Hélène Giroux, suggère plutôt l’imposition de cinq ans de détention, une peine « sévère ». Comme son client est détenu de façon préventive depuis plus de trois ans, il ne lui resterait qu’un mois à purger. MGiroux retient le risque de récidive « très faible » de l’accusé.

« Monsieur était dans une mauvaise passe. Sa vie s’est écroulée [à l’époque] », a fait valoir MGiroux. Avant les agressions, Mohamad Abdool Koheeallee s’était séparé et avait perdu deux emplois dans le domaine du génie. Il avait aussi des idées suicidaires, mais « n’a pas reçu d’aide », a-t-elle souligné.

Le juge rendra sa décision en juillet.