Un Montréalais qui a fait vivre un calvaire à une préadolescente en l’agressant sexuellement pendant des années a été condamné jeudi à neuf ans de détention. Le juge a ainsi refusé de diminuer la peine, simplement parce que l’agresseur sera expulsé du Canada, comme le demandait la défense.

« Le Tribunal est d’avis qu’il serait erroné d’imposer une sentence plus clémente à l’accusé en raison du moment de son admissibilité à une libération conditionnelle avant son expulsion du Canada. De plus, imposer une peine de cinq à six années serait inapproprié », a conclu le juge Pierre Labrie jeudi au palais de justice de Montréal.

Condamné par un jury le mois dernier, Miguel Antonio Abarzua Poblete a fait subir des sévices sexuels extrêmement dégradants à une fille de 11 ans. L’homme de 42 ans sera expulsé au Chili pour grande criminalité à la fin de sa peine ou lors de l’obtention de sa libération conditionnelle.

L’avocat de la défense MMarc Labelle demandait une peine réduite, puisqu’à son avis son client n’était pas admissible à la libération conditionnelle et devait passer l’entièreté de sa peine en détention. MLabelle évoquait même le coût de « chaque détenu […] pour la société canadienne » et la pénurie d’employés fédéraux.

Or, le juge Labrie a complètement rejeté cette analyse. En étudiant la loi, le juge estime que M. Poblete sera en fait admissible à une libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers de sa peine. S’il l’obtient, il sera aussitôt expulsé du Canada. Dans tous les cas, les tribunaux n’ont pas à tenir compte de la libération conditionnelle pour déterminer la peine juste, selon le juge.

« Je ne partage pas cette vision. Dans les faits, ce qu’on vit, c’est plutôt ce que j’ai décrit : lorsqu’une personne va être expulsée pour grande criminalité, elle purge l’entièreté de sa peine. Ce sont les cas qu’on a vécus », a commenté MLabelle, en mêlée de presse. Il entend toutefois faire valoir ce jugement auprès de la Commission des libérations conditionnelles pour démontrer l’admissibilité de son client.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

MMarc Labelle en 2018

Le juge Labrie a relevé une pléthore de facteurs aggravants pour justifier une peine de neuf ans – la suggestion de la Couronne –, dont les effets importants pour la victime, l’abus de confiance, les relations avec pénétration, l’âge de la victime et sa tentative de faire retirer la plainte.

Les nombreuses agressions étaient particulièrement sordides, dont un éprouvant épisode de pénétration anale dans un garage. « Il m’a dit : “Lève-toi”. Il m’a poussée vers la table. […] Ça faisait mal. Je voulais qu’il arrête. Il disait que j’étais faible. Il disait : “Ce n’est rien, tu vas t’habituer” », avait confié l’adolescente. Miguel Antonio Abarzua Poblete s’était aussi réjoui d’avoir pris la « virginité » de la victime à l’âge de 12 ans.

La victime, maintenant âgée de 16 ans, avait confié toute sa souffrance dans une lettre percutante lors des observations sur la peine. « Je me sentais coupable, même si je n’avais pas à l’être. Je me sentais sale. Tout ce temps-là, je n’étais qu’un enfant qui était manipulé. […] Je voudrais enlever toutes ces pensées traumatisantes de ma jeunesse. »

Notons qu’en raison de la détention préventive, la peine imposée à ce jour est de huit ans.

MNadine Haviernick a représenté le ministère public.