Le présumé agresseur sexuel en série Samuel Moderie, qui aurait drogué avec un puissant somnifère plusieurs femmes qu’il a rencontrées sur Tinder et Badoo, aurait fait trois victimes supplémentaires, portant à 15 le nombre de femmes qui seraient tombées dans son piège.

La Couronne a déposé mercredi dix nouveaux chefs d’accusation contre l’homme de 28 ans, de St-Zotique, qui fait désormais face à 43 chefs d’accusation d’agression sexuelle, de voyeurisme, d’avoir administré une drogue pour vaincre la résistance de ses victimes, de vol de biens et de possession de drogue.

« Nous allons nous opposer à sa remise en liberté », a annoncé le procureur de la Couronne, Jérôme Laflamme, peu après avoir déposé les nouvelles accusations contre Moderie au palais de justice de Montréal.

Ces trois nouvelles victimes auraient été agressées à Longueuil, Mirabel et Joliette. Samuel Moderie aurait aussi commis des agressions à Montréal, McMasterville, Brownsburgh-Chattam, St-Jérôme, tout au long de 2022 jusqu’à son arrestation le 1er février 2023.

Des ordonnances de non-publication nous interdisent de nommer les victimes alléguées. Deux d’entre elles ont cependant accepté de parler publiquement de leur agression, en espérant que d’autres victimes potentielles portent plainte à la police.

« On a échangé quelques messages sur Badoo, et il m’a paru très charmant. Avant qu’on se rencontre pour la première fois, il m’a demandé ce que j’aimais boire », raconte Caroline*, une femme des Laurentides qui aurait été agressée au début janvier.

Le suspect est arrivé très tard au rendez-vous qu’ils s’étaient donné dans un bar. « Il avait acheté une bouteille de ma sorte de rhum préférée, et dès que j’y ai goûté, j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose d’anormal. J’ai tout de suite recraché par ce que ça goûtait bizarre », explique la victime alléguée.

Ils se sont ensuite déplacés chez la victime avec quelques amis à bord de la Mitsubishi Lancer noire de Moderie.

Le reste de sa soirée est un black-out presque total. Ses amis sont partis, et elle se souvient de trois flash-backs de l’agression, dont un où elle lui a demandé s’il avait mis un condom alors qu’il était par-dessus elle. « Il m’a dit, au point où on en est, je pense qu’on s’en câlisse ».

Le lendemain, l’agresseur avait déjà quitté sa maison lorsqu’elle a repris ses sens. Elle s’est rendu compte que Moderie lui aurait volé 50 $ en se transférant l’argent par Interac à partir de son compte de banque, probablement en débloquant son téléphone avec son doigt alors qu’elle était inconsciente. Il aurait alors utilisé son adresse de courriel personnelle pour compléter la transaction.

« Je ne comprends pas. Il n’avait pas besoin de me droguer, parce qu’au début, j’étais consentante à avoir une relation sexuelle avec lui. Il ne dégageait pas quelque chose de négatif », dit Caroline.

« Ça me met en colère. Ça m’a forcé à mettre ma vie sexuelle en pause pour un bon bout de temps. »

« S’il y a d’autres victimes, je veux de tout cœur qu’elles se manifestent. Il doit payer pour ce qu’il a fait », lance Caroline.

Alexandra, une autre victime présumée en Montérégie, dit qu’elle a aussi rencontré Moderie sur Badoo, juste avant Noël. « Il était très gentil, et j’ai voulu le rencontrer même s’il n’était pas tellement mon genre. » Le suspect lui a aussi demandé ce qu’elle aimait boire avant leur première rencontre, qui devait se dérouler au restaurant. Une tempête a cependant changé les plans, et Moderie est arrivé chez la victime, le vendredi soir, avec un repas pour emporter et des canettes de cocktails à base de gin.

« Il était charmant. Il a parti un feu, on a discuté longtemps, et peu à peu, on a bu les canettes. Je l’ai vu boire dans mon verre, et j’ai un vague souvenir qu’on se soit embrassés », se rappelle Alexandra.

Le reste est un néant absolu. « Je me suis réveillée le dimanche juste avant 11 h, couchée dans le divan ». Une vidéo prise par la caméra de surveillance d’un voisin montrerait que Moderie aurait volé la plaque d’immatriculation du véhicule de la victime, juste avant de quitter le domicile à bord de sa Mitsubishi noire. « D’autres victimes ont raconté qu’il leur a volé des choses, comme s’il voulait se garder un trophée », souligne Alexandra.

Le samedi, pendant qu’Alexandra était toujours sous l’effet de la drogue présumément administrée par Moderie, sa mère est venue lui porter ses deux jeunes enfants, qu’elle avait gardés la veille. Alexandra n’en a aucun souvenir. « Les enfants se sont débrouillés seuls pendant plusieurs heures. Les images vidéo montrent qu’ils sont allés jouer dehors. Je n’en ai aucun souvenir. Ça aurait pu avoir des conséquences très sérieuses », dénonce-t-elle.

« Les résultats d’analyse de la prise de sang qui a été faite montrent qu’il m’a administré une forte dose de Xanax ou d’Ativan », des anxiolytiques de la famille de benzodiazépines. « Il n’avait pas besoin de ça pour qu’on couche ensemble, j’étais consentante, reconnaît Alexandra, mais ça a l’air que c’est son trip de droguer les filles pour en abuser. »

Elle n’a aucun souvenir de l’agression sexuelle en tant que telle, et attend les résultats de l’analyse médico-légale pour avoir le fin mot de l’histoire. « C’est noir. Je n’ai pas l’impression d’avoir été violée, et c’est tant mieux si je n’en ai pas de souvenir de ça. Mais ça m’a mis en mode « guerrière ». Je veux pouvoir regarder ce gars-là dans les yeux et lui dire que son petit manège, ça n’a pas marché avec moi. »

Quatre des victimes alléguées, qui apparaissent vraisemblablement dans des vidéos que Moderie filmait avec son téléphone lors de ses agressions, n’ont toujours pas été identifiées par les policiers.

Toute personne qui aurait été victime de Samuel Moderie est invitée à contacter le Service de police de la Ville de Montréal au 514 280-8502, à se rendre à son poste de quartier ou à appeler au 911 pour enregistrer une plainte.

Samuel Moderie mesure 1,78 m, pèse 80 kg et a la peau blanche. Il a des tatouages sur le bras droit et la poitrine, parle français, et a les cheveux bruns et les yeux bruns.