GHB, ecstasy liquide, drogue du viol… trois noms courants pour désigner le gamma-hydroxybutyrate, un dépresseur qui engourdit le cerveau et ralentit le fonctionnement du corps. Quand il est consommé en toute connaissance de cause, on le classe dans la catégorie des drogues dites « récréatives », avec les risques que cela comporte. Mais quand il est administré à une personne sans son consentement, il peut devenir encore plus dangereux. Comme le GHB est inodore et incolore, la victime – bien souvent une femme – réalise trop tard qu’elle a été intoxiquée contre son gré.

Sous l’effet de cette substance, certaines personnes ressentent les mêmes sensations que si elles avaient bu beaucoup d’alcool. D’autres perdent conscience ou sombrent dans le coma. Le GHB peut également provoquer un état de détresse respiratoire causant la mort en quelques instants. Bref, le GHB est tout sauf une drogue inoffensive.

On ne compte plus les cas de jeunes femmes affirmant avoir été droguées au GHB à leur insu. Dans les bars de Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières et Montréal, des femmes sorties s’amuser ont vécu des moments traumatisants. Certaines ont perdu la mémoire, d’autres ont été agressées sexuellement ou se sont réveillées loin de chez elles, sans aucun souvenir de ce qui s’était passé. Droguer quelqu’un, faut-il le rappeler, est un crime passible d’emprisonnement.

Récemment, de jeunes filles courageuses se sont confiées à notre collègue Émilie Bilodeau pour dénoncer l’intoxication au GHB dont elles auraient été victimes dans un bar montréalais1. Elles n’ont pas la preuve concrète de ce qu’elles avancent, mais elles se disent convaincues qu’il s’agissait de la fameuse drogue du viol.

Chaque fois qu’un tel incident se produit, les forces policières rappellent l’importance de porter plainte. Mais pour porter plainte, encore faut-il avoir des preuves. Or au bout de huit heures, il n’est plus possible de détecter le GHB dans le sang. La jeune femme qui pense avoir été droguée devrait donc, une fois ses esprits retrouvés, se précipiter dans un hôpital en pleine nuit ou au petit matin dans l’espoir qu’un médecin accepte de lui administrer le fameux test, ce qui est loin d’être acquis si on se fie aux nombreux témoignages de victimes à qui les médecins l’ont refusé. Disons que les conditions gagnantes sont loin d’être réunies pour favoriser le dépôt d’une plainte.

L’Ordre des pharmaciens se dit ouvert à la possibilité que ses membres offrent le test de dépistage de GHB, une option à laquelle réfléchit le ministère de la Santé. Chose certaine, ces tests doivent être beaucoup plus accessibles.

Quand on aborde la question des risques d’intoxication au GHB, les autorités – policières ou autres – insistent aussi pour rappeler certaines consignes de sécurité : surveiller son verre, ne pas accepter une consommation d’un étranger, etc. Le problème avec ce genre de recommandations, c’est qu’il fait peser toute la responsabilité sur les épaules des jeunes femmes.

Or si ça prend un village pour élever un enfant, ça prend aussi une communauté pour assurer la sécurité de chacun.

Les filles ne peuvent être tenues responsables des comportements problématiques de certains hommes. Leur sécurité dans un contexte festif – que ce soit dans un bar ou ailleurs – est l’affaire de tous.

Plusieurs mesures devraient être mises en place pour permettre aux jeunes femmes d’avoir du plaisir sans craindre pour leur sécurité.

D’abord, les bars devraient tous être équipés de caméras. La Régie des alcools, des courses et des jeux devrait en faire une condition pour l’obtention d’un permis d’alcool. Les bars devraient également offrir des couvercles réutilisables aux clientes qui souhaitent protéger leur verre.

Cela dit, on ne peut pas installer des caméras partout. Le GHB circule aussi dans les fêtes privées et sur les campus universitaires.

D’où l’importance d’informer les jeunes des dangers liés au GHB.

Dans les nombreux témoignages récoltés au fil des ans, les mêmes commentaires reviennent : l’entourage d’une victime a tendance à banaliser le GHB et ses effets. Résultat : le soutien est inadéquat ou inexistant. Une campagne de sensibilisation s’impose.

Il faut mieux informer les jeunes sur les effets du GHB et sur la vulnérabilité de ceux, et surtout celles, qui sont sous son emprise. Il faut rappeler à tous – y compris au personnel des bars – qu’ils ont le devoir de veiller les uns sur les autres et de prendre soin d’une cliente ou d’une amie en détresse.

Créer un environnement bienveillant où les jeunes femmes peuvent s’amuser sans peur d’être agressées doit devenir une responsabilité partagée.

1. Lisez l’article « Drogue du viol : “Ça m’est arrivé à moi aussi” » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion