Trois hommes qui ont violemment battu un sexagénaire qu’ils accusaient de les avoir volés se sont fait coincer par un agent double du SPVM qui s’est fait passer pour un individu qui a racheté la dette de la victime, et qui a négocié son remboursement avec les suspects, en les enregistrant à leur insu.

L’affaire, qui constitue une certaine incursion dans le monde de l’extorsion et des dettes, a commencé le 11 mars 2021.

Ce jour-là, François Mazzantini et les frères Antonio et Pasquale Piscopo ont battu à coups de pied, de poing et de bâton télescopique Joël Ayoub dans l’entrée de son immeuble de condos du chemin de la Côte-Sainte-Catherine, pour une dette de 15 000 $.

La victime, âgée de 63 ans au moment des faits, a notamment souffert de fractures aux os faciaux, d’un traumatisme crânien et d’une altération d’un œil avec des séquelles permanentes.

Selon un précis des faits lu en cour, une balise GPS avait été installée sous son véhicule pour connaître son adresse.

Les enquêteurs de la région Nord du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont alors déclenché une importante enquête avec filature, écoute électronique et agents d’infiltration.

Le piège

Durant les surveillances physiques, les policiers ont notamment vu Pasquale Piscopo se rendre à deux reprises au café Danesi et une fois chez Antonio Pietrantonio, considéré par la police comme un membre de la mafia montréalaise, selon un résumé de l’enquête déposé à l’enquête sur remise en liberté.

Un agent double a ensuite communiqué avec les suspects et s’est présenté comme un individu qui a acheté la dette d’Ayoub et qui était prêt à négocier les termes du remboursement.

Argent, poing américain et dagues
  • Un des trois condamnés, François Mazzantini, photographié par les policiers fileurs alors qu’il sortait d’un café avec une enveloppe d’argent remise par un agent double du SPVM.

    PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

    Un des trois condamnés, François Mazzantini, photographié par les policiers fileurs alors qu’il sortait d’un café avec une enveloppe d’argent remise par un agent double du SPVM.

  • Antonio Piscopo (à gauche) et François Mazzantini ont été photographiés par les policiers au moment où ils sortaient du café Grinderz au plus fort de l’enquête, le 15 avril 2021.

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    Antonio Piscopo (à gauche) et François Mazzantini ont été photographiés par les policiers au moment où ils sortaient du café Grinderz au plus fort de l’enquête, le 15 avril 2021.

  • Le poing américain, un couteau à cran d’arrêt et deux dagues trouvés dans le véhicule de François Mazzantini le jour de son arrestation le 6 mai 2021

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    Le poing américain, un couteau à cran d’arrêt et deux dagues trouvés dans le véhicule de François Mazzantini le jour de son arrestation le 6 mai 2021

  • Treize bâtons télescopiques dans leur boîte ont été retrouvés dans un commerce appartenant aux accusés et un quatorzième dans une voiture.

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    Treize bâtons télescopiques dans leur boîte ont été retrouvés dans un commerce appartenant aux accusés et un quatorzième dans une voiture.

  • Une partie des liasses d’argent totalisant 675 000 $ trouvées chez l’un des condamnés

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    Une partie des liasses d’argent totalisant 675 000 $ trouvées chez l’un des condamnés

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Les trois suspects ont expliqué que la dette s’élevait maintenant à 140 000 $. Eux et l’agent double ont convenu que celle-ci serait notamment remboursée en montres de luxe, en armes, en devises canadiennes et américaines, par un transfert vers un pays en Afrique, et en cigarettes.

« Ces personnes-là savent comment retrouver les gens lorsqu’ils ne se font pas payer. Si Jo [Ayoub] ne paie pas, ça va se reproduire. Ces gens-là savent qui est la fille qui était avec Jo. Ils savent où elle habite et connaissent sa voiture », a notamment dit François Mazzantini à l’agent double lors d’une rencontre au café Grinderz, autrefois situé sur l’avenue du Parc, mais maintenant fermé.

Les trois suspects ont été arrêtés le 6 mai 2021.

Les policiers ont découvert un poing américain et trois dagues dans le véhicule de Mazzantini. Ils ont aussi trouvé 13 bâtons télescopiques, une machine à compter de l’argent, 12 000 $ en argent canadien et de la comptabilité dans un commerce appartenant aux Piscopo.

Ils ont de plus mis la main sur plus de 675 000 $ séparés en plusieurs liasses chez l’un des suspects.

Le résumé de l’enquête ne sera toutefois pas testé en cour, puisque le procès qui était prévu en septembre n’aura pas lieu.

Un « crédit COVID » de trois mois

Mazzantini a plaidé coupable à des chefs de voies de fait graves et d’extorsion, et a été condamné à 48 mois d’emprisonnement, alors que les deux frères, qui ont reconnu leur culpabilité à un chef d’extorsion, ont été condamnés à 36 mois.

Toutefois, en soustrayant la période passée en détention préventive, qui est calculée en temps et demi et qui totalise 31 mois, en plus d’un « crédit COVID » de trois mois, il reste 13 mois et demi à purger pour Mazzantini et un mois et demi pour les Piscopo.

Le juge Salvatore Mascia, de la Cour du Québec, a hésité un peu avant d’entériner une suggestion commune de la poursuite et de la défense.

Les condamnés n’ont aucun antécédent judiciaire et aucune affiliation, disent leurs avocats, selon qui ils ont également subi d’importantes pertes financières.

Autre facteur considéré : la victime dans cette affaire, Joël Ayoub, qui a des antécédents en matière de fraude et de vols de cartes de crédit, ferait l’objet d’un mandat d’arrêt pour une peine qu’il n’a pas purgée, ne serait actuellement pas localisable et sa présence au procès n’était plus certaine, selon les procureurs MGeneviève Gravel et MHussein Hassan.

Selon MDanièle Roy, de la défense, Joël Ayoub aurait également présenté un faux certificat COVID de la France pour pouvoir témoigner en virtuel lors de l’enquête préliminaire.

Les autres avocats de la défense au dossier sont MAnnie Laviolette-Boisvert, MIsabella Teolis et MJoseph La Leggia.

La moitié des 675 000 $ trouvés chez l’un des suspects lui a été remise et le juge a ordonné la confiscation de l’autre moitié au profit du Procureur général du Québec.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.