Une enquête de deux décennies. Des centaines de « sujets » ciblés. Des vérifications d’ADN dans des dizaines de pays. Des techniques d’enquête inédites ont permis d’arrêter l’an dernier Marc-André Grenon pour le meurtre de Guylaine Potvin commis en 2000 à Jonquière.

Des documents judiciaires déposés pendant l’enquête policière et rendus publics jeudi à la suite de l’intervention de certains médias, dont La Presse, lèvent partiellement le voile sur cette affaire qui avait choqué le Québec. Des dizaines de pages de ces déclarations sous serment d’enquêteurs demeurent toutefois caviardées ou visées par une ordonnance de non-publication.

Les enquêteurs refusent de révéler certaines informations afin de protéger l’identité de tiers, pour ne pas compromettre des techniques d’enquête, et même pour éviter de mettre en péril la vie de policiers.

Marc-André Grenon, de Granby, a été accusé en octobre dernier du meurtre au premier degré de Guylaine Potvin, une cégépienne violée et étranglée dans son appartement de Jonquière en avril 2000.

L’homme de 48 ans est également accusé d’avoir agressé sexuellement et d’avoir tenté de tuer une étudiante de l’Université Laval en juillet 2000 à Sainte-Foy. La femme de 20 ans avait été étranglée et laissée pour morte par son agresseur. Son identité est protégée par la cour.

Cette arrestation était l’aboutissement d’une enquête de longue haleine de la Sûreté du Québec. Dès le départ, les enquêteurs savaient que l’agresseur était le même dans les deux dossiers puisque l’ADN du même homme avait été retrouvé sur les lieux. Sans compter le modus operandi et les profils de victimes similaires.

Le profil génétique de l’agresseur était donc la clé de voûte de cette enquête. À qui appartenait cet ADN ? Une question laissée sans réponse pendant deux décennies.

Pendant l’enquête, pas moins de 339 « sujets ciblés » ont été éliminés grâce à leur ADN. Seuls six « sujets » avaient refusé de fournir leur ADN, détaille le sergent-enquêteur de la Sûreté du Québec, Michael Gauthier, dans une déclaration sous serment.

En 2021, un enquêteur a même poussé ses recherches à l’étranger dans l’espoir de trouver le meurtrier. Il a ainsi demandé de vérifier les banques d’ADN d’une dizaine d’États américains et d’une trentaine de pays de partout sur la planète, de la France au Botswana. Les policiers avaient déjà fait une demande à Interpol en 2007.

On ne peut toutefois pas fournir de détails sur les éléments précis qui ont permis aux enquêteurs d’arrêter Marc-André Grenon.

Les documents judiciaires soulignent que des objets personnels avaient été volés dans la chambre de Guylaine Potvin. Le suspect serait donc parti avec la bague de finissante de la jeune femme, un appareil photo, un petit sac à main brun et une somme de 200 $ à l’intérieur d’un coffre rouge.

Dans l’espoir de relancer l’enquête qui stagnait et d’obtenir des informations supplémentaires, les policiers avaient mis la table pour une émission de télévision. Leur objectif avait été « atteint » à la suite de la diffusion d’une émission à TVA en 2005, indique un sergent de la Sûreté du Québec dans une demande d’ordonnance de communication.

On apprend également dans une déclaration sous serment d’un enquêteur que Marc-André Grenon avait été arrêté dans une affaire de vol à Chicoutimi à peine trois jours avant le meurtre de Guylaine Potvin. Il avait alors donné comme adresse une maison de chambres pour personnes en situation d’itinérance située à 18 km de l’appartement de la jeune femme.

À l’époque des crimes, Marc-André Grenon traînait déjà un casier judiciaire. Il avait des antécédents criminels en matière de vol, d’intrusion de nuit, de tentative d’introduction par effraction, de menaces et de voies de fait. La majorité de ces infractions ont eu lieu dans le territoire de la ville de Saguenay, à Chicoutimi et à Jonquière, précise le document judiciaire.