(Saskatoon) Une communauté crie de la Saskatchewan affirme qu’un radar pénétrant a découvert plus de 2000 « zones d’intérêt » et un os d’enfant sur le site de l’un des plus anciens pensionnats pour Autochtones au Canada.

Le chef de la Première Nation de Star Blanket, Michael Starr, croit que cette découverte révèle au grand jour la dure vérité de ce qui s’est passé dans les murs du pensionnat de Lebret.

« C’était impensable. C’était profond. C’était triste. C’était blessant, a mentionné M. Starr jeudi. Et cela nous a mis très en colère contre ce qui est arrivé à nos jeunes ici. »

Les zones de recherche avaient été sélectionnées d’après les indications d’anciens élèves du pensionnat et d’aînés de la communauté qui ont été témoins ou ont entendu des récits sur ce qui s’est passé à cette école Lebret, situé à environ 75 kilomètres au nord-est de Regina.

Le fragment de mâchoire, découvert en octobre dernier, a été identifié par le bureau du coroner de la province comme étant celui d’un enfant âgé de quatre à six ans, mort il y a environ 125 ans. Il n’était pas situé près d’un lieu connu pour être un cimetière. « C’est la preuve matérielle de la présence d’une sépulture non marquée », a affirmé le chef de projet, Sheldon Poitras.

Ce pensionnat fédéral, l’une des trois premières « écoles industrielles » à ouvrir au Canada, a été administré de 1884 à 1973 par des communautés religieuses catholiques — les Missionnaires oblats de Marie-Immaculée et les Sœurs grises. L’établissement fédéral est resté ouvert ensuite pendant encore 25 ans, jusqu’à sa fermeture définitive en 1998 — il y a 25 ans seulement.

L’école Lebret a aussi porté les noms de Qu’Appelle, St. Paul’s et Whitecalf ; elle a brûlé et a été reconstruite à deux reprises.

On estime que pendant plus d’un siècle, 150 000 enfants autochtones au Canada ont été forcés de fréquenter des pensionnats fédéraux, où on voulait « sortir l’Indien en eux ». Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation contient d’innombrables témoignages d’agressions physiques, sexuelles, psychologiques et spirituelles commises dans ces pensionnats fédéraux.

« Facette du racisme »

Par voie de communiqué, le premier ministre Justin Trudeau s’est dit « profondément attristé et bouleversé » par la découverte de cette sépulture non marquée.

« Aucun enfant n’aurait dû être arraché à sa famille. Aucun enfant n’aurait dû se voir priver de son enfance, de sa culture, de sa communauté ou de sa langue. Aucun enfant n’aurait dû subir les violences inimaginables, la solitude et la peur vécues aux soi-disant pensionnats comme celui de la vallée de la Qu’Appelle. Et aucun enfant n’aurait dû passer ses derniers moments à souffrir dans un pensionnat et se faire voler sa vie », a écrit le premier ministre.

« Les pensionnats autochtones représentent une facette du racisme, de la discrimination et des injustices que les peuples autochtones ont vécus par le passé et vivent encore aujourd’hui. En tant que Canadiens, nous devons tous tirer des leçons du passé afin de bâtir un avenir meilleur. »

Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, a quant a lui souligné sur les médias sociaux que « La découverte d’ossements d’un très jeune enfant sur le site du pensionnat Lebret est un rappel tragique de l’histoire douloureuse du Canada et des actes odieux qui ont été commis dans les pensionnats, ainsi qu’une preuve supplémentaire de ceci ».

Souvenirs douloureux

L’école Lebret a souvent connu des épidémies et affiché un taux de mortalité élevé, selon le rapport de la commission. En 1891, le pensionnat signale que depuis son ouverture sept ans plus tôt, il a renvoyé 174 élèves, dont 71 sont morts.

Sharon Strongarm, une survivante de l’école, a raconté en retenant ses larmes comment elle avait été enlevée à ses parents. Elle a dit qu’elle et ses frères et sœurs devaient depuis apprendre à survivre et à pardonner.

« Ils ont essayé de nous enlever notre esprit. Ils ont essayé de sortir l’Indien en nous, a-t-elle déclaré. Mais Dieu merci, nous sommes toujours là, plus forts que nous ne le serons jamais, nous appuyant les uns sur les autres. »

Le « Programme fédéral de soutien en santé pour la résolution des questions des pensionnats indiens » offre une ligne d’écoute téléphonique nationale pour aider les survivants des pensionnats et leurs proches qui souffrent de traumatismes ravivés par le rappel d’agressions passées. On peut joindre la ligne d’écoute au numéro 1-866-925-4419.