Un Québécois qui administrait un forum international de pédophiles sur le web caché (dark web) a été condamné à huit ans de détention et pourrait être déclaré délinquant dangereux. Il en a toutefois fallu de peu pour que Jeffrey Howard Hébert échappe à cette étiquette en raison de l’incurie du gouvernement, à l’instar d’un violent criminel ce mois-ci.

Le prédateur de 41 ans attend depuis des mois pour subir son évaluation à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel afin de déterminer s’il doit être déclaré délinquant à contrôler ou dangereux. Ces étiquettes sont réservées aux pires criminels et permettent de protéger le public. Le juge peut ainsi imposer une peine à durée indéterminée ou ordonner une surveillance serrée du délinquant pendant des années.

Une telle évaluation doit en principe être effectuée en 60 jours, indique le Code criminel. Or, après cinq mois, Jeffrey Howard Hébert est encore 14e sur la liste d’attente pour être évalué par l’Institut, ayant gagné à peine quatre places en deux mois. Affligé par un sous-financement et un volume élevé de demandes, l’Institut n’arrive plus à respecter les délais légaux.

Lisez « L’Institut Pinel peine à évaluer les pires criminels »

Au début du mois, le juge Dennis Galiatsatos a lancé un pavé dans la mare en refusant de prolonger le délai de 60 jours pour l’évaluation d’un violent criminel. Résultat : ce multirécidiviste s’en est tiré sans étiquette de délinquant dangereux. Le magistrat a déploré vivement les délais d’évaluation « catastrophiques » de l’Institut et l’immobilisme du gouvernement québécois.

« L’Institut Philippe-Pinel lance des cris d’alarme depuis plus de deux ans et l’État a choisi de ne pas réagir. […] Il est inacceptable que rien n’ait été fait », a étrillé le juge Galiatsatos. Une employée a révélé que l’Institut prendrait « trois ans » pour respecter le délai légal.

Cette décision pourrait mettre en péril les évaluations d’une vingtaine de prédateurs et d’agresseurs. Dans le dossier du pédophile Jeffrey Howard Hébert, le juge Yves Paradis s’est dit « totalement en accord avec le raisonnement et les conclusions » de son collègue de la Cour du Québec. « Je ne peux pas dénoncer la situation avec des termes plus forts que la décision de mon collègue », a affirmé le juge Paradis, le 9 décembre dernier.

Cependant, le juge a fait preuve d’imagination pour ne pas faire tomber le processus d’évaluation. Ainsi, après avoir entériné la suggestion commune de peine de huit ans, le juge a ensuite ordonné une évaluation post-sentence, mais en vertu d’un autre article du Code criminel.

Rien n’indique cependant que le pédophile bondira soudainement au premier rang pour l’évaluation dans les prochaines semaines.

Pourtant, le temps presse puisque Jeffrey Howard Hébert n’a dans les faits que deux ans de pénitencier à purger avant de recouvrer la liberté, puisque sa période de détention déduite a été calculée à temps double en raison notamment d’une agression sexuelle subie en prison. Il sera par ailleurs soumis à une probation de trois ans à sa sortie.

Des milliers de photos et vidéos

Les crimes commis par Jeffrey Howard Hébert sont particulièrement inquiétants. Le pédophile a notamment photographié à partir de sa résidence de Dorval des enfants du voisinage âgés de 2 à 4 ans. Plus de 700 clichés de ces enfants, nus, ont été trouvés chez lui parmi une montagne de pornographie juvénile.

En effet, les policiers ont découvert sur le quart du contenu d’une seule clé USB pas moins de 90 000 photos et 1500 vidéos de pornographie juvénile aux détails particulièrement choquants, y compris des enfants agressées sexuellement par des adultes et même des scènes de bestialité et de scatologie.

Et ce n’est peut-être que la pointe de l’iceberg puisque ses ordinateurs étaient cryptés. Selon le résumé des faits, Jeffrey Howard Hébert consommait de la pornographie juvénile plusieurs heures par jour.

Il faut dire que le Québécois était un acteur clé du monde pédophile sur le web caché. Il était modérateur et même administrateur d’un forum de discussion de pédophiles. À partir de juillet 2014, il a ainsi participé à 13 747 publications sur ce forum. Parmi celles-ci, Jeffrey Howard Hébert offrait des conseils techniques pour exploiter sexuellement des enfants et racontait de quelle façon il a lui-même agressé des enfants. Notons qu’il a un antécédent de contact sexuel sur un mineur.

MAmélie Rivard représente le ministère public, alors que MClara Daviault défend l’accusé.

Le dossier retournera en cour en février pour un suivi de l’évaluation.