Sept individus soupçonnés d’avoir fraudé les gouvernements en détournant à leurs profits au moins 31 millions en taxes grâce à un stratagème de vente et de revente de l’or devront rembourser plus de 6 millions de dollars à Québec et à Ottawa.

La Presse a obtenu divers documents et des avis de cotisation totalisant 6,4 millions envoyés par l’Agence du revenu du Québec (ARQ) à ces individus qui font face à des accusations criminelles de fraude et de complot depuis la semaine dernière.

Lisez notre article « Les gouvernements fraudés pour plus de 30 millions »

On y apprend notamment qu’au total, ces sept individus ont omis de déclarer plus de 8 millions de revenus entre 2018 et 2021.

Deux d’entre eux auraient par ailleurs déclaré en 2020 avoir reçu un total de 35 000 $ en Prestation canadienne d’urgence (PCU) versée par Ottawa pour compenser les pertes financières occasionnées par les mesures de lutte contre la COVID-19.

L’ARQ a demandé et obtenu que des hypothèques légales soient enregistrées sur plusieurs immeubles et véhicules appartenant aux accusés, pour s’assurer que les sommes soient versées. Parmi les véhicules, on retrouve des voitures de luxe et une moto Harley-Davidson évaluée à environ 20 000 $.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Cet immeuble du boulevard Saint-Laurent, à Montréal, qui abritait l’une des bijouteries qui auraient servi aux fraudeurs, fait l’objet d’une hypothèque légale et d’une ordonnance de blocage des autorités.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui a mené l’enquête, a également annoncé vendredi dernier que des ordonnances de blocage pour neuf immeubles (sept au civil et deux au criminel) ont été obtenues et que plusieurs objets de valeur ont été saisis.

Parmi ceux-ci, on retrouve notamment 3 kilogrammes d’or pur d’une valeur estimée à 225 000 $, des montres et des bijoux évalués à 1,8 million, et plus de 865 000 $ en argent.

Mafia asiatique

Outre ces sept individus, une vingtaine d’autres ont été visés dans cette enquête majeure et inhabituelle baptisée Prospecteur et commencée en 2018 par les enquêteurs de la Division des produits de la criminalité du SPVM.

Au Canada, l’or pur est exempt de taxe, mais pas l’or impur.

Les suspects auraient enregistré au moins six bijouteries fictives à des prête-noms, se seraient inscrits aux fichiers de taxe de vente harmonisée et auraient ouvert des comptes de banque.

Ils auraient transformé de l’or pur en or impur à environ 90 % en y ajoutant d’autres métaux précieux.

Ils se seraient ensuite rendus – en moyenne deux ou trois fois par semaine – dans une entreprise de raffinage d’or à Toronto, y auraient vendu l’or impur – entre 3 et 7 kg chaque fois – et en auraient perçu des taxes qu’ils n’auraient jamais versées aux deux gouvernements.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Les pépites de métal précieux que les suspects ajoutaient à l’or pur pour le rendre impur

Avec cet argent facilement obtenu, ils auraient racheté de l’or pur pour recommencer leur manège, vendu plus d’or impur et détourné des sommes toujours plus importantes.

Les autorités évaluent qu’avec l’aide de ces bijouteries fictives, les suspects auraient effectué plus de 180 boucles de fraude de 2017 à 2019 et qu’ils auraient transporté des sommes de 1 million de dollars plus d’une fois.

La police croit que des revenus provenant de plantations illégales de cannabis ont servi à acheter l’or pur au départ.

D’après des documents judiciaires, un des suspects serait associé à la mafia asiatique, selon une source policière.

Les enquêteurs n’ont pas lésiné sur les moyens, ayant recours à l’écoute électronique, la filature et la surveillance par caméras durant l’enquête qui a duré trois ans.

Le 6 novembre 2019, après avoir obtenu un mandat, ils ont perquisitionné la résidence de l’un des suspects en se faisant passer pour des enquêteurs de l’ARQ.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Ces creusets servant à fondre l’or ont été saisis par les policiers durant l’enquête.

Cette provocation a obtenu les résultats escomptés, car plus tard, un suspect a jeté à la poubelle plusieurs éléments de preuve, dont des creusets servant à la fonte de l’or, que les enquêteurs ont récupérés.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.