(Québec) Il y a deux Harold LeBel, selon la Couronne : l’un qui dit se souvenir quasi parfaitement de la nuit d’octobre 2017 au cœur de son procès pour agression sexuelle, et l’autre qui a des trous de mémoire et confie à la police qu’il ne se souvient pas vraiment de la soirée.

La mémoire de l’ex-député a été au cœur du contre-interrogatoire mené par la poursuite mardi, au palais de justice de Rimouski.

« C’est fou, tout ce que j’ai fait de bien, et tout pour une soirée que je ne me souviens pas vraiment de ce qui s’est passé », a dit l’ancien élu du Parti québécois aux policiers qui l’interrogeaient après son arrestation, le 15 décembre 2020. Lundi, la poursuite avait aussi révélé qu’il avait parlé de « blackout » aux enquêteurs.

La Couronne a aussi insisté sur des différences entre les réponses fournies par l’accusé devant le tribunal et celles données aux enquêteurs. À ces derniers, par exemple, il disait ne pas se rappeler si les deux femmes avaient couché une ou deux nuits chez lui en octobre 2017. Devant la cour, il disait se rappeler très bien que c’était deux nuits.

Pour expliquer tout ça, Harold LeBel a indiqué qu’il était stressé lors de son interrogatoire et avait été tiré du lit à 6 h 45 par les policiers ce matin-là. Puis, la nouvelle de son arrestation est sortie dans les journaux. « Tout s’écroulait devant moi », a-t-il répondu au procureur de la Couronne. « Je n’étais pas de bonne humeur. »

LeBel « piégé »

La Couronne a tenté de démontrer qu’il était plutôt en pleine possession de ses moyens après son arrestation. Il a même pris la peine de quitter le poste de police dans une voiture aux vitres teintées. Il a aussi demandé de changer de masque chirurgical avant de sortir devant les médias, car il en portait un du Festi Jazz de Rimouski et il ne souhaitait pas éclabousser l’évènement.

La poursuite a de nouveau tenté de comprendre pourquoi l’homme de 60 ans avait choisi d’aller coucher dans le lit escamotable avec la plaignante, plutôt que de demander aux deux jeunes femmes de coucher dans le même lit. « Je n’ai jamais pensé » leur demander, a répondu M. LeBel.

« J’ai été piégé dans la situation. Je n’avais jamais prévu tout ça, moi. […] Le piège, c’est que j’étais dans mon appartement, j’avais une fille dans un lit et une fille dans un autre », a expliqué l’accusé au jury. « J’aurais dû réveiller une fille pour lui dire d’aller rejoindre l’autre. »

Le contre-interrogatoire s’est terminé mardi matin, ce qui marque la fin de la preuve. Les plaidoiries vont avoir lieu mercredi. Puis, le juge Serge Francœur, de la Cour supérieure, va donner ses directives au jury lundi en vue des délibérations.

Des témoignages décisifs

En tout, les jurés ont entendu trois témoignages. Celui d’un technicien en scène de crime de la Sûreté du Québec visait surtout à établir la disposition du condo d’Harold LeBel, où se sont déroulés les évènements d’octobre 2017.

Les témoignages décisifs sont ceux de la plaignante, qu’une ordonnance de la cour interdit d’identifier, et d’Harold LeBel.

La première a raconté comment l’homme avait tenté de l’embrasser alors que sa collègue était partie dormir dans le lit de LeBel. Le baiser non sollicité l’avait prise par surprise, avait-elle raconté.

Elle aurait repoussé les avances de celui qui était alors député. L’homme aurait alors tenté de défaire son soutien-gorge, puis de forcer la porte de la salle de bains où elle s’était réfugiée.

Il se serait ensuite couché à ses côtés dans un lit escamotable où elle a raconté avoir passé la nuit tétanisée tandis qu’il touchait ses fesses et son anus.

M. LeBel assure plutôt qu’après le baiser consensuel, il s’est couché à ses côtés et s’est endormi. Le lendemain, il dit s’être réveillé avec la main droite dans ses cheveux et le bras droit sur elle, une proximité survenue bien malgré lui au hasard du sommeil.