Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a ouvert une enquête samedi, après avoir été plongé dans un profond embarras à la suite de l’arrestation d’un homme noir soupçonné de voler un véhicule qui lui appartenait.

Le SPVM a confirmé samedi en fin de journée sur les réseaux sociaux vouloir « faire la lumière sur l’évènement de jeudi dernier », survenu en après-midi dans le stationnement du Marché central de Montréal.

Habillés en civil, les deux policiers qui avaient menotté le conducteur n’avaient pas de clé en leur possession pour remettre l’homme, fort indigné, en liberté. Ce sont des collègues en auto-patrouille qui sont venus déverrouiller les menottes.

« Nous sommes sensibles au bouleversement et à l’émotion vécus par le citoyen ainsi qu’aux réactions suscitées par l’évènement », a indiqué la Police de Montréal samedi.

L’histoire a été rendue publique par la publication d’une vidéo de près de six minutes sur les réseaux sociaux.

« C’est du profilage racial qui a porté un préjudice moral à ma personne, j’ai été traumatisé », a déclaré Brice Dossa, en entrevue samedi à CBC. Il a confié à la chaîne d’information avoir dit aux policiers : « si j’étais Québécois comme vous, vous n’iriez pas me traiter ainsi, vous le feriez d’une autre manière. C’est parce que je ne suis pas Québécois comme vous ».

Chez des élus québécois, on a pu ressentir de la colère et des mises en doute.

« La situation soulève d’ÉNORMES questions et n’est pas sans rappeler plusieurs évènements récents. Aller au fond des choses, c’est le strict minimum. Changer les choses pour vrai, voilà ce qui devrait être fait », a fait savoir la cheffe du parti libéral, Dominique Anglade, sur Twitter.

« La vidéo qui circule soulève des questions, nous a écrit Roxanne Bourque, l’attachée de presse de François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique. Nous sommes très sensibles aux commentaires qui circulent. Nous allons faire les vérifications qui s’imposent auprès du SPVM afin qu’ils fassent la lumière sur le contexte qui entoure les évènements qui ont été filmés. »

« Ça n’a pas d’allure »

Stéphane Wall, policier retraité du SPVM, explique qu’« avant de procéder à une arrestation officielle, il faut avoir des motifs raisonnables qui portent à croire qu’une personne a commis un acte criminel ». Dans le cas de l’intervention de jeudi dernier, les enquêteurs avaient seulement des raisons de soupçonner M. Dossa, sans motifs raisonnables, continue-t-il.

La loi permet de détenir un suspect à des fins d’enquête, mais de le menotter seulement s’il représente un danger ou semble vouloir prendre la fuite, explique l’ancien policier. Selon lui, les agents qui ont menotté M. Dossa devront justifier pourquoi il était nécessaire de procéder ainsi.

Max Stanley Bazin, président de la Ligue des Noirs, doute de l’utilisation immédiate des menottes. « Mettre des menottes à une personne qui est seulement suspecte […] c’est totalement disproportionnée l’usage de la force qui a été faite », selon lui. Quand un policier menotte quelqu’un, « c’est la moindre des choses d’avoir les clés », autrement, « c’est de la négligence grossière », continue-t-il.

« Ça n’a pas d’allure. Ça n’a pas de bon sens. Les explications que la police a données sont ténues », a-t-il fait savoir, particulièrement après la sortie récente du jugement sur le profilage racial dans la police.

Rappel des faits

Jeudi dernier, deux enquêteurs habillés en civil, experts en vols de véhicules, gardaient à l’œil un VUS de marque Honda CRV blanc qui « présentait des marques typiques et évidentes de tentative de vol sur l’une des serrures (dommages) », a écrit le SPVM sur Twitter.

« Il y a zéro marque sur ma voiture, ce sont des arguments bidon parce qu’ils n’ont rien à dire », a indiqué M. Dossa à CBC.

Quand il s’est approché du véhicule pour monter à bord, les deux policiers l’ont arrêté, « détenu temporairement aux fins d’enquête », et ensuite été « libéré inconditionnellement et sans accusation une fois les vérifications complétées », ont indiqué les autorités.

La vidéo mise en ligne, vue des milliers de fois sur les réseaux sociaux, était éloquente quant à la colère de l’homme arrêté et à l’embarras des policiers.

« Vérifier si c’était mon véhicule, c’était ce que tu devais faire avant de me menotter. […] Vous m’avez manqué de respect et vous m’avez humilié », a-t-il ajouté. « Détachez-moi, monsieur. Ça me fait très mal, […] je suis un travailleur de la santé. Je ne suis pas un bandit », peut-on également entendre.

« Une situation comme celle vécue par ce citoyen affecte le sentiment de confiance entre la police et nos communautés montréalaises, a indiqué Alain Vaillancourt, membre du comité exécutif et responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal. Or ce lien de confiance est primordial, non seulement pour le travail policier, mais aussi pour le caractère convivial de notre ville. »

On ignore si M. Dossa entend porter plainte contre le SPVM et les policiers concernés. L’homme a toutefois indiqué à CBC que « c’est un acte qui doit être découragé et dédommagé aussi ».

Avec La Presse Canadienne