Un homme qui a sauvagement battu à mort sa femme de 74 ans dans un contexte de violence conjugale répétée s’en est tiré lundi avec une peine clémente de 10 ans et demi de pénitencier. Le féminicide commis par Nathaniel Albert aurait mérité plus de 12 ans d’emprisonnement, a toutefois insisté le juge.

« L’écart est d’environ deux ans. Mais quand on évalue tous les faits et les circonstances, il faut conclure que cette suggestion n’est pas dramatiquement inadéquate. Je vais entériner la suggestion commune », a conclu le juge François Dadour, lundi, au palais de justice de Laval.

Les procureurs de la Couronne, MJonathan Rabchuk et MSteve D. Fontaine, ainsi que l’avocat de la défense, MSteeve Rancourt, avaient suggéré une peine de 10 ans et demi de prison, lorsque l’homme de 60 ans a plaidé coupable à un homicide involontaire le mois dernier. Il était accusé du meurtre au second degré de Françoise Côté.

Même s’il voulait imposer une peine plus sévère, le juge Dadour avait les mains liées par la suggestion commune des avocats. Dans l’arrêt Cook en 2016, la Cour suprême a placé la barre très haut pour qu’un juge puisse refuser une suggestion commune de peine. Celle-ci doit « déconsidérer l’administration de la justice ou [être] contraire à l’intérêt public ». En pratique, il est devenu exceptionnel qu’un juge s’écarte d’une telle proposition.

Aux yeux du juge Dadour, l’homicide involontaire commis par Nathaniel Albert le 4 décembre 2020 était un « quasi-meurtre » et devait donc être puni plus sévèrement que ce que les avocats suggéraient. Les circonstances de la mort de Françoise Côté montrent en effet un féminicide d’une rare violence.

« [Il a] battu intensivement Françoise Côté et l’a abandonnée pour mourir lentement alors qu’il était allé chercher un dîner », a ainsi résumé le juge Dadour.

La femme de 74 ans avait subi un véritable supplice : une dizaine de côtes brisées, des blessures internes, de nombreuses coupures sur le corps et une très grave brûlure à l’oreille. Certaines de ses blessures étaient en train de guérir et remontaient donc à plusieurs semaines, voire des mois. Plusieurs cicatrices balafraient son corps.

De plus, le jour du drame, Nathaniel Albert n’avait pas le droit de se trouver en présence de sa femme en raison d’une interdiction de la cour. Il était en effet accusé d’avoir battu sa femme plus tôt en 2020. « Tu ne sais pas ce qui se passe dans ma tête », avait-il lancé à sa femme en la frappant. Il avait ensuite détruit un téléphone alors qu’elle tentait d’appeler les policiers.

Le contexte de violence conjugale est un facteur aggravant d’une « importance considérable » dans cette affaire, a affirmé le juge Dadour.

De plus, les innombrables blessures et leur gravité démontrent la « cruauté » de l’accusé. Il a de surcroît complètement ignoré les conditions de la cour en retournant vivre auprès de sa victime.

Comme facteurs atténuants, seules l’absence d’antécédents judiciaires de l’accusé et sa reconnaissance de culpabilité ont été retenues par le juge. La défense avait également souligné que Nathaniel Albert, qui a le statut de résident permanent, serait probablement expulsé du pays à la fin de sa peine.

Une preuve imparfaite ?

Certaines « faiblesses » dans la preuve ont incité la Couronne à proposer cette suggestion commune. Selon le ministère public, la cause de la mort n’était pas « claire comme de l’eau de roche ». « Est-ce la blessure au cou ? Est-ce la fracture aux côtes ? Est-ce que c’est une combinaison de tout ça ? », avait plaidé MRabchuk.

De plus, il n’y avait pas de témoin visuel du crime. Il aurait aussi été difficile de démontrer l’intention de Nathaniel Albert de tuer sa femme dans le cadre du chef de meurtre puisque l’accusé était sorti acheter du poisson à l’épicerie avant de revenir chez lui pour appeler le 9-1-1.

Toutefois, le juge Dadour n’a pas noté de « faiblesses particulières » dans la preuve de la Couronne. « L’ampleur des blessures de la victime aurait pu permettre de conclure que l’accusé avait causé des blessures sachant qu’elles pouvaient causer la mort », a indiqué le juge.