(Gatineau) Le procès pour agression sexuelle du major-général Dany Fortin devrait se poursuivre pendant une quatrième journée, alors que les plaidoiries finales des avocats ont débuté lundi après-midi.

La procureure de la Couronne Diane Legault a déclaré lundi après-midi, au palais de justice de Gatineau, qu’elle présenterait ses plaidoiries finales mardi matin.

L’avocate de M. Fortin, Isabel Schurman, a réclamé lundi l’acquittement de son client, affirmant au juge Richard Meredith que la preuve devant lui ne pouvait mener à une condamnation. Elle a plaidé que le témoignage de la plaignante n’était ni crédible ni fiable – même s’il était sincère.

La plaignante, qui fréquentait le collège militaire de Saint-Jean-sur-Richelieu en même temps que l’accusé, avait déclaré au tribunal le mois dernier que Fortin l’avait agressée une nuit de 1988.

La plaignante, dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication, avait raconté qu’elle avait été « horrifiée » de se réveiller, une nuit, et de découvrir qu’un homme se masturbait avec l’une de ses mains à elle, tandis que l’autre main de l’homme était sur sa poitrine. Elle a témoigné qu’après lui avoir fait savoir qu’elle était réveillée et lui avoir chuchoté de la lâcher, une courte lutte a suivi et il est finalement parti.

La plaignante a dit au juge Meredith qu’elle n’entretenait « aucun doute » sur l’identité de son agresseur : c’était bien Dany Fortin, a-t-elle assuré. C’est cette identification formelle que l’avocate de l’accusé, Isabel Schurman, voulait surtout contester.

M. Fortin a toujours nié sa culpabilité dans cette affaire ; il affirme qu’il n’a jamais eu de contact physique avec la plaignante, qu’il n’est jamais entré dans sa chambre et que les deux élèves officiers ne faisaient pas partie du même groupe d’amis au collège militaire. Au tribunal, lundi, il a réitéré qu’il n’était pas proche de la plaignante.

Le major-général Fortin était l’officier militaire responsable de la campagne fédérale de distribution aux provinces des vaccins contre la COVID-19, jusqu’à ce qu’on le démette de ces fonctions en mars 2021, lorsqu’une enquête sur les allégations a été ouverte. Il conteste d’ailleurs en Cour fédérale cette décision de lui retirer ses fonctions.

La police militaire a rapidement renvoyé le dossier au système judiciaire civil et au mois d’août 2021, le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec a formellement accusé M. Fortin d’un chef d’agression sexuelle.

« Doute raisonnable » sur la personne

Dans ses plaidoiries finales, lundi après-midi, Me Schurman a déclaré que le témoignage de M. Fortin était clair et « sans hésitation » ni contradiction. Par contre, a-t-elle plaidé, il existait un doute raisonnable quant à savoir si M. Fortin était l’auteur de l’agression sexuelle alléguée – et même si cette agression présumée avait vraiment eu lieu.

Me Schurman a soutenu qu’il y avait des contradictions entre ce que la plaignante avait affirmé aux enquêteurs au début de 2021 et ce qu’elle a dit à la barre le mois dernier. L’avocate de la défense a notamment souligné que la plaignante avait dit aux enquêteurs qu’elle avait reconnu M. Fortin, un francophone, par son accent, mais elle a témoigné plus tard au procès que son agresseur n’avait pas parlé.

Me Schurman a également souligné que les proches de la plaignante à l’époque n’avaient pas pu étayer son récit des évènements. L’ancienne colocataire de la plaignante au dortoir a déclaré au tribunal le mois dernier qu’elle n’avait aucun souvenir de l’agression présumée, mais elle a précisé qu’elle avait bloqué dans sa mémoire beaucoup de ces souvenirs en raison de traumatismes qu’elle avait elle-même subis à cette époque.

Par ailleurs, le petit ami de la plaignante à ce moment-là, appelé à la barre par la défense en septembre, avait contredit le témoignage de son ex-copine, qui soutenait lui avoir parlé de l’agression tout de suite après.

Me Schurman a finalement fait valoir que compte tenu de la crédibilité nébuleuse de la plaignante, il serait irresponsable pour le tribunal de se fier à sa certitude d’avoir identifié M. Fortin – même si elle y croit elle-même sincèrement. Me Schurman a cité la jurisprudence qui stipule, selon elle, que la mesure de la certitude d’un témoin n’est pas nécessairement un signe de sa crédibilité.

Elle a aussi soutenu que si cette agression a vraiment eu lieu, plusieurs autres personnes auraient pu la perpétrer. L’avocate a rappelé que la plaignante et M. Fortin avaient tous les deux affirmé au procès que les portes des dortoirs étaient déverrouillées et que les portes de la caserne n’étaient pas surveillées.

Et elle a souligné les photos de l’album de finissants que M. Fortin a commentées en détail plus tôt lundi, notant que plusieurs jeunes hommes se ressemblaient. Lors de son interrogatoire par Me Schurman, M. Fortin a aussi identifié un autre élève du collège qui avait le même nom de famille et le même surnom que lui : « Fort ».

Me Legault a semblé anticiper cette ligne de défense : lors de son interrogatoire de l’accusé, elle a tenté d’établir que l’autre élève Fortin ne lui ressemblait pas vraiment. L’accusé n’a pas dit s’il était d’accord avec cette évaluation.

Le procès devrait se terminer mardi après-midi après les plaidoiries finales de Me Legault.