La famille de la fillette de Granby dépose une poursuite de plus de 3 millions

(Granby) « Elle était censée être protégée. » L’avocate de la mère de la fillette de Granby et de ses grands-parents a martelé cette phrase lors de la conférence de presse annonçant le dépôt d’une poursuite civile de 3,7 millions de dollars contre la Direction de la protection de la jeunesse de l’Estrie (DPJ), quatre de ses intervenants et le centre de services scolaire Val-des-Cerfs, lundi.

« Aujourd’hui, elle aurait eu 11 ans. Une petite fille qui a vécu les 44 premiers mois de sa vie enjouée, aimée, entourée […] et du jour au lendemain, elle a été déracinée pour être placée avec ses bourreaux alors qu’elle était censée être protégée », a dit l’avocate Valérie Assouline dans une salle du Centre des congrès de Granby remplie de centaines de toutous.

La fillette de Granby était suivie par la DPJ depuis sa naissance. Elle a vécu les quatre premières années chez ses grands-parents paternels avant d’être placée chez son père. Dès son déménagement, la grand-mère et la mère biologique ont effectué des signalements en lien avec de la maltraitance.

La mère et la grand-mère, elles ont fait face à des portes fermées. Elles ont fait face à des préjugés. La grand-mère s’est fait dire qu’elle avait un système d’alarme défaillant. Elle s’est fait cataloguer comme étant aliénante.

MValérie Assouline, avocate de la famille de la victime

Les demandeurs affirment que l’école de la fillette était également au courant que celle-ci vivait dans un « climat de terreur ». L’enfant aurait rapporté à ses enseignantes qu’elle se faisait cogner la tête contre les murs, qu’elle devait prendre des douches froides ou très chaudes, qu’elle devait uriner au sol ou dans un petit pot dans sa chambre.

Elle arrivait parfois à l’école avec des vêtements souillés, des ecchymoses ou du sang au nez. Elle avait des légumes moisis dans son lunch, fouillait dans les poubelles et se cachait dans les toilettes de l’école pour manger la nourriture qu’elle trouvait, selon des rapports que l’avocate compte déposer en preuve.

« Ils l’ont quand même renvoyée à la maison en sachant sciemment que son milieu de vie la mettait en danger. C’est impensable. Son seul filet de sécurité lui a été enlevé le 19 mars 2019, date de son dernier jour de fréquentation scolaire. Un mois plus tard, elle est décédée dans des circonstances atroces que nous connaissons tous », a raconté MAssouline.

Lors de la conférence de presse, la mère de la fillette a également pris la parole dans un témoignage crève-cœur, entrecoupé de nombreux sanglots. Elle s’est adressée aux médias de dos afin de protéger le demi-frère et le petit frère de la victime qui étaient mineurs lorsque la fillette de Granby a été trouvée inconsciente, enroulée de ruban adhésif.

« On nous a traitées de folles, on nous a traitées de clan, on nous a dit qu’on voulait juste du mal au géniteur [au père] et à la belle-mère. On ne nous a pas écoutées et ils ne l’ont pas écoutée, elle. Ils n’ont pas regardé la vérité », a laissé tomber la mère.

« Je n’ai pas le choix de faire en sorte qu’elle ne soit pas partie pour rien », a-t-elle ajouté pour expliquer le dépôt de la poursuite civile en matinée.

La grand-mère paternelle a également souligné que quatre ans après la mort de sa petite-fille, la douleur est encore vive. « Aucun montant ne compensera la perte de notre petite-fille. Ce n’est pas l’argent qui va la ramener. Cependant, il est plus que temps que les gens qui se sont chargés de protéger nos enfants aient une leçon et qu’à l’avenir, ils le fassent réellement », a-t-elle dit.

« L’important dans tout ça, c’est que plus jamais, ça ne doit arriver à d’autres enfants », a-t-elle poursuivi.

MValérie Assouline a rappelé que plusieurs instances, dont la Commission spéciale des droits de l’enfance, ont soulevé des lacunes en matière de protection de la jeunesse au fil des années. La famille espère ainsi que grâce à sa poursuite, la DPJ changera sa culture et ses façons de faire.

« Il faut changer en profondeur le système pour l’avenir de nos enfants », a affirmé MAssouline, qui souhaite que les recommandations de la commission Laurent soient mises en place et qu’un chien de garde de la DPJ soit nommé.

« C’est la pire histoire que le Québec a vue depuis les 100 dernières années. Il y a eu Aurore l’enfant martyre et il y a la fillette de Granby », a-t-elle ajouté affirmant qu’un « après Granby » est nécessaire.

L’enfant de 7 ans est morte à l’hôpital, le 30 avril 2019, après avoir été enroulée de ruban adhésif de la tête aux pieds. Sa belle-mère a été déclarée coupable de meurtre au deuxième degré et de séquestration. Elle purge une peine de prison à vie et sera admissible à une libération conditionnelle dans 13 ans. Elle a toutefois porté sa cause en appel. Le père a quant à lui évité la tenue d’un procès en plaidant coupable à une accusation de séquestration, en décembre 2021. Le juge lui a imposé une peine de prison de quatre ans.