Jonathan Massari voulait devenir le lieutenant du mafioso Salvatore Scoppa et ce dernier lui a ordonné « d’en tuer un » pour faire ses preuves.

C’est ce qu’un ancien tueur à gages de la mafia devenu agent civil d’infiltration (ACI) pour la police, a raconté mardi, au procès de Massari, accusé de complot et des meurtres des lieutenants du clan des Siciliens, Lorenzo Giordano et Rocco Sollecito, et des frères Vincenzo et Giuseppe Falduto, en 2016.

Massari, 41 ans, subit son procès devant jury pour ces complots et ces meurtres depuis quelques semaines.

Il a été arrêté en octobre 2019, à l’issue d’une importante enquête au cours de laquelle la Sûreté du Québec a bénéficié de l’aide d’un ancien tueur à gages qui a participé à trois de ces meurtres et qui a décidé de collaborer avec elle.

Cet ancien tueur, dont on doit taire le nom, a repris contact avec Massari et d’autres suspects durant l’été 2019, pour les compromettre, alors qu’il portait un dispositif d’enregistrement.

Le capo de Sal

Cet ACI, qui a commencé à témoigner mardi, a dit que Massari lui a raconté avoir pris part au meurtre de Lorenzo Giordano, tué à Laval en mars 2016, et d’avoir conduit le véhicule de fuite ayant servi au tireur.

C’est l’ACI qui a tué Rocco Sollecito en mai suivant. Il a dit que le matin même du meurtre, lui et Massari se sont rendus chez le beau-frère de ce dernier pour récupérer des armes à feu.

En manipulant l’une d’elles, l’accusé a tiré accidentellement une balle dans un mur du garage. Par la suite, Massari a conduit l’ACI en moto, avant et après l’assassinat de Sollecito.

Enfin, le témoin a raconté que le jour des meurtres de Vincenzo et Giuseppe Falduto, commis sur le terrain de Marie-Josée Viau et de Guy Dion à Saint-Jude, c’est Massari qui devait tuer les deux frères, mais que ce dernier a « couiné », et que c’est lui-même, l’ACI qui a abattu les Falduto.

Après le crime, l’ACI et Massari ont rencontré Salvatore Scoppa dans un cimetière, et l’ACI a fait croire à Scoppa que c’est Massari qui avait assassiné les deux frères.

« Salvatore a pris Massari dans ses bras », a décrit le témoin.

« Massari m’avait dit qu’il fallait qu’il fasse ces meurtres pour devenir le capo de Salvatore. Massari n’a pas tué lui-même Giordano et Sollecito. Il a fait abattre Marco Campellone, un voisin, mais il ne l’a pas fait lui-même. Salvatore Scoppa voulait qu’il en tue un absolument pour se prouver, il disait : make your bones », a ajouté l’ancien tueur à gages.

Un « menu » de personnes à tuer

Ce dernier a également raconté que lui et ses complices ont reçu de Salvatore Scoppa un « menu », c’est-à-dire une liste de personnes à abattre, toutes reliées au clan adverse des Siciliens, et comptant au moins une dizaine de noms.

Les membres du groupe disaient « qu’ils allaient manger » ou que les cibles étaient « des cannoli, comme dans la trilogie du Parrain », lorsqu’il était question d’un contrat.

« Sal était un psychopathe. Pour lui, tuer du monde et manger un sandwich, c’était la même affaire », a notamment dit le témoin au sujet de Salvatore Scoppa.

Il a dit que les tueurs ont fait du repérage durant un certain temps pour éliminer Nicola Spagnolo et Vito Salvaggio, deux noms qui apparaissaient sur le menu, mais qu’ils ont tué Rocco Sollecito, car il était la cible la plus facile et la plus payante (300 000 $).

« Giordano a été tué le premier, car il était le plus dangereux de tous. Il avait des couilles et beaucoup de connaissances sur la rue », a répondu l’ACI à une autre question posée par la procureure de la Poursuite, MIsabelle Poulin.

Il a dit que ce sont les frères Salvatore et Andrew Scoppa qui ont donné la liste, mais qu’en réalité, c’était Vittorio Mirarchi qui tirait les ficelles dans un contexte de conflit entre les clans calabrais et sicilien de la mafia montréalaise.

« C’était une guerre de pouvoir. Andrew Scoppa et Victor Mirarchi voulaient avoir le contrôle, comme les Rizzuto l’on fait avec les Cotroni. Mais les deux ne s’aimaient pas », a dit l’ex-tueur à gages.

L’ACI prétend avoir averti la SQ en 2018 que Salvatore Scoppa allait se faire tuer lors de la première communion de son fils, et affirme que le tueur, qui aurait agi pour le compte de Jonathan Massari et de Vittorio Mirarchi, est « un noir de Toronto » qui a fait des travaux de céramique pour le père de Massari à l’Hôtel Sheraton de Laval, où Scoppa a été assassiné « comme un animal, sous les yeux de ses enfants », en mai 2019.

Il reproche aussi à la police d’avoir mis fin à l’enquête en octobre 2019 et que si elle l’avait laissé faire, Massari aurait été accusé de davantage de meurtres et de complots, qu’il [l’ACI] aurait pu faire arrêter Andrew Scoppa, Charlie Renda et des gens à la table de direction de la mafia montréalaise.

Le témoin a par ailleurs affirmé à deux reprises durant son témoignage que Massari appelait une source, soit une femme qui travaillait au complexe Guy-Favreau, et dont il croit qu’elle travaillait pour les autorités.

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