Une éducatrice qui a violenté quatre bambins dans une garderie montréalaise explique ses gestes par le climat de travail « toxique », son éducation au Maroc et les « enfants-rois intolérables ». Si Nassira El Hmaini espère obtenir l’absolution, la Couronne réclame de 8 à 10 mois de prison en raison des nombreux facteurs aggravants.

« Je n’ai jamais fait ça pour leur faire du mal, j’ai fait ça par amour. Je m’excuse d’avoir fait ces gestes », a témoigné avec émotion la femme de 31 ans jeudi lors des observations sur la peine au palais de justice de Montréal.

Nassira El Hmaini a plaidé coupable à cinq chefs d’accusation de voies de fait en mai dernier. Ses crimes ont été commis sur une période d’une semaine en 2020 à l’encontre de quatre jeunes enfants d’environ 2 ans. Elle travaillait depuis 2015 comme éducatrice à la garderie KIDZ dans le quartier Villeray, à Montréal.

La preuve repose sur des vidéos prises à son insu par une collègue. Sur la première vidéo, on voit l’accusée donner une claque au visage à deux enfants qui bougent sur leur matelas de sieste. « Couche-toi ! », lance-t-elle à l’un d’eux. Les claques sont très audibles. Sur les autres extraits, l’éducatrice tire entre autres les cheveux d’une fillette, tape un enfant sur la tête et en projette un autre par terre.

« Inconscient d’enfant »

Si Nassira El Hmaini a admis plusieurs fois être la « seule responsable » de ses gestes, elle explique son passage à l’acte par de nombreux facteurs. Ainsi, elle affirme avoir été régulièrement frappée par sa mère pendant son enfance, ce qui était commun au Maroc. C’est donc son « inconscient d’enfant » qui a pris le dessus au moment des faits, a-t-elle expliqué.

De plus, à la garderie, plusieurs éducatrices frappaient les enfants, par exemple en les pinçant ou en les frappant avec des jouets, assure Nassira El Hmaini. L’une des éducatrices l’a même menacée de mort si elle la dénonçait, a confié l’accusée. Victime d’intimidation, elle se sentait ainsi comme une personne « vulnérable » au moment des faits. « Mon estime de moi était brisée. Le milieu était toxique », a-t-elle fait valoir.

Nassira El Hmaini affirme également qu’elle devait souvent s’occuper d’un groupe d’enfants dépassant le ratio légal enfants/éducatrice. En contre-interrogatoire, elle a affirmé que certains bambins de la garderie étaient des « enfants-rois intolérables ».

La Montréalaise soutient qu’elle était « première de classe » pendant sa formation au Québec pour devenir éducatrice. Elle n’a jamais reçu de formation au sujet des châtiments corporels, a-t-elle dit.

« Je m’excuse aux parents d’avoir commis ces gestes. Je m’excuse à la société. J’ai très honte », a-t-elle répété.

Selon la procureure de la Couronne, MGabrielle Delisle, une peine d’incarcération ferme est nécessaire pour dénoncer les crimes et refléter leur gravité. Elle a cité la vulnérabilité des victimes, la répétition des gestes et les conséquences sur les enfants et les parents comme facteurs aggravants. Les enfants ont été bouleversés par les évènements, selon des lettres poignantes déposées en cour.

L’avocate de la défense, MMaria Vivas, a demandé au juge Alexandre St-Onge de faire bénéficier sa cliente d’une absolution inconditionnelle. Pour justifier une peine si clémente, elle fait valoir les remords de sa cliente, la thérapie qu'elle a amorcée et la médiatisation de l’affaire.

Le juge rendra sa décision en janvier prochain.