(Québec) Les neuf juges de la Cour suprême seront de passage cette semaine à Québec dans une rarissime sortie hors de la capitale fédérale, où ils entendront notamment une cause sur le droit des Québécois de cultiver du cannabis à la maison.

C’est seulement la deuxième fois depuis sa création en 1875 que le plus haut tribunal au pays siège à l’extérieur d’Ottawa, après un passage en 2019 à Winnipeg.

« À Winnipeg, vers 6 h 30 le matin, il y avait une file de personnes pour entrer dans le palais, pour voir comment ça se passe, une audition devant la Cour suprême », se souvient en entrevue le juge en chef du Canada, Richard Wagner.

« Je me rends compte que les gens ont soif d’information sur la justice », ajoute le juge en chef, rencontré à l’Université Laval.

La Cour va entendre deux causes ouvertes au public au palais de justice de Québec. La première aura lieu mercredi. Il s’agit de Sa Majesté le Roi c. Pascal Breault.

La Cour suprême devra décider si les policiers doivent absolument avoir entre les mains un appareil de détection approuvé quand ils ordonnent à quelqu’un de fournir un échantillon d’haleine.

Puis jeudi, la Cour va se pencher sur une question constitutionnelle : le Québec peut-il interdire aux Québécois de cultiver du cannabis chez eux ?

Rappelons que le gouvernement fédéral avait permis en 2018 la culture à domicile de quatre plants. Le gouvernement de François Legault avait immédiatement adopté une ligne plus restrictive, tout comme le Manitoba, en interdisant de faire pousser des plants de pot chez soi.

Le plaignant, Janick Murray-Hall, a d’abord gagné en Cour supérieure. Le tribunal a conclu que l’interdiction du Québec empiétait « de façon importante sur la compétence fédérale en matière criminelle ». Puis la Cour d’appel avait ensuite donné raison à Québec.

« Ça peut paraître des dossiers terre-à-terre, mais ils ont des impacts immédiats sur les droits et libertés des citoyens, indique Richard Wagner. La priorité était de trouver des dossiers du Québec. Et il y avait ceux-là, deux dossiers d’intérêt, un en matière constitutionnelle et un en matière criminelle. »

Le « signal d’alarme » de Jordan

Le passage de la Cour suprême à Québec s’inscrit dans une campagne plus large lancée par le juge en chef pour « faire connaître la Cour au public ».

Il y a ces sorties hors d’Ottawa, mais aussi la conférence de presse annuelle que donne le juge en chef. Le tribunal a aussi mis en place « la cause en bref », un résumé clair des causes qu’elle entend, offert sur son site internet.

« On résume en langage clair l’impact d’une décision sur les citoyens, leur famille, leurs amis, de sorte que même les gens sans bagage juridique puissent comprendre nos décisions », indique Richard Wagner.

Le juge en chef s’inquiète comme d’autres des délais dans le système judiciaire et notamment des impacts de la pénurie de main-d’œuvre.

« Le système de justice, au Québec, au Canada et même ailleurs, n’a jamais été financé comme il aurait dû l’être, dit-il. Les élus mettent les investissements dans la santé et l’éducation, et c’est correct. Mais le système de justice a toujours été un peu le parent pauvre. »

« Pendant des années, il n’y a pas eu de ressources pour de nouvelles infrastructures pour les palais de justice, pas eu de nominations de juges additionnels, les employés sont sous-payés, les greffiers, les assistants juridiques… »

Mais il estime que l’arrêt Jordan en 2016 a eu l’effet d’un « signal d’alarme ». « Les gouvernements ont commencé à investir plus et c’est pour ça que je suis optimiste. Les gens commencent à réaliser que le système de justice est fondamental pour la démocratie. »

Une semaine à Québec

Lundi 12 septembre : Le juge en chef tiendra une conférence de presse au palais de justice de Québec en matinée. En après-midi, les neuf juges se rendront dans neuf écoles secondaires différentes pour rencontrer des jeunes.

Mercredi : L’instruction de l’affaire Sa Majesté la Reine c. Pascal Breault aura lieu dès le matin. Puis, dès 15 h, un évènement public au Musée de la civilisation réunira les neuf juges de la Cour suprême et la juge en chef du Québec, Manon Savard.

Jeudi : Instruction de l’affaire Janick Murray-Hall c. Procureur général du Québec.

Vendredi : Les juges de la Cour suprême rencontreront des étudiants de l’Université Laval.