Un premier pas a été franchi par les victimes d’agressions sexuelles, de privation et de violence physique dans les centres jeunesse du Québec dès 1950 en vue d’obtenir réparation.

La Cour supérieure a autorisé à la mi-août le dépôt d’une action collective au nom de la représentante d’un regroupement de victimes, Eleanor Lindsay, dont l’histoire tragique avait été racontée par notre chroniqueuse Rima Elkouri en novembre 2019.

Lisez la chronique de Rima Elkouri « Les enfants “tablettés” »

Le nombre de personnes qui pourraient se qualifier à cette action collective est « difficile à dire », mais pourrait s’élever à des dizaines, voire des centaines de milliers de Québécois, estime l’avocat responsable du dossier, MLev Alexeev, du cabinet Novalex.

En effet, environ 5000 enfants étaient placés dans des centres d’accueil pour « mésadaptés sociaux », selon ce qu’avait établi une commission d’enquête mise sur pied en 1975 pour faire la lumière sur ces sévices et qui a accouché du rapport Batshaw.

Avec ses 166 recommandations, le rapport Batshaw, déposé en 1976, avait conduit à une restructuration majeure des services aux enfants et à la mise en place de la Loi sur la protection de la jeunesse, entrée en vigueur en 1979.

L’affaire avait alors été révélée par une jeune journaliste du quotidien anglophone The Gazette, Gillian Cosgrove, qui s’était fait embaucher comme éducatrice dans l’un de ces centres pour y observer les sévices infligés aux enfants.

PHOTO FOURNIE PAR THE GAZETTE

La journaliste Gillian Cosgrove en 1975

Gillian Cosgrove y avait notamment vu des filles envoyées en confinement solitaire sans que rien ne justifie pareil châtiment. « Elles étaient attachées à un matelas encrassé, avec des sangles en cuir sur les hanches et le haut de la poitrine. Elles étaient laissées là dans leur urine, leurs selles et parfois leur sang menstruel pendant plusieurs jours », a-t-elle confié en 2019.

Forcée d’ingurgiter des médicaments

Des faits qui recoupent le témoignage de la représentante Eleanor Lindsay devant la Cour supérieure pour faire autoriser l’action collective.

PHOTO PETER POWER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Eleanor Lindsay

Née en Écosse, elle avait 7 ans lorsque sa famille s’est installée à Montréal. Agressée sexuellement par son père, elle a été placée sous la surveillance des services de protection de la jeunesse à l’adolescence.

[…] Confinée à l’aire commune jusqu’à 23 heures par jour ou dans une cellule ou dans sa chambre, pour de longues périodes. Elle dit avoir été forcée d’ingurgiter des médicaments. Elle a été témoin d’une agression sexuelle et a subi des attouchements sexuels.

Extrait du jugement du magistrat Christian Immer

Pas moins de six centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) et dix centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) sont visés par l’action collective en plus du gouvernement du Québec, par l’entremise du Procureur général.

Une somme de 500 000 $ par victime est réclamée en plus de dommages punitifs qui n’ont pas encore été déterminés. Les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis sont exclus de cette action collective, tout comme les personnes qui ont reçu une aide financière et qui ont signé une quittance en vertu du Programme national de réconciliation avec les orphelins et orphelines de Duplessis, entre autres.

Avec Rima Elkouri, La Presse