La Cour suprême a statué vendredi que lorsqu’une personne était tenue par son partenaire de porter un condom pendant une relation sexuelle et qu’elle ne le faisait pas, elle pourrait être reconnue coupable d’agression sexuelle.

« Puisque seul oui veut dire oui et que non veut dire non, “non, pas sans condom” ne peut vouloir dire “oui, sans condom” », a écrit la juge Sheilah L. Martin au nom de la majorité des juges de la Cour suprême.

Cette décision concerne au premier chef deux personnes qui, en mars 2017, se rencontrent sur l’internet avant de se donner rendez-vous en personne en Colombie-Britannique.

Dans cette affaire, peut-on lire dans le jugement, la plaignante avait clairement fait savoir à Ross Kirkpatrick « qu’elle donnerait son accord à des rapports sexuels avec lui seulement s’il portait un condom, ce qu’il a fait à leur premier rapport sexuel ».

Mais lors de leur deuxième relation sexuelle, l’homme n’en a pas porté. « Ce n’est qu’après que Kirkpatrick a éjaculé en elle que la plaignante s’est rendu compte qu’il ne portait pas de condom », est-il écrit dans le jugement.

C’est sur la base de ces évènements que M. Kirkpatrick a été accusé d’agression sexuelle. Au premier procès, la plaignante a soutenu n’avoir pas consenti à cette activité sexuelle sans condom, tandis que M. Kirkpatrick a demandé au juge de rejeter l’accusation en raison de l’absence de preuves. Il a soutenu que la plaignante avait consenti à la relation sexuelle, indépendamment du port du condom, et qu’il n’y avait pas de preuve de fraude.

Le juge de première instance a donné raison à M. Kirkpatrick. Selon lui, la plaignante avait consenti à l’« activité sexuelle », même s’il n’y avait pas eu port de condom.

La Cour d’appel a soutenu que le premier juge n’aurait pas dû rejeter l’accusation et M. Kirkpatrick a donc porté cette décision en appel à la Cour suprême du Canada.

Un nouveau procès est exigé

La Cour suprême a rejeté l’appel de M. Kirkpatrick et elle exige maintenant la tenue d’un nouveau procès.

Au nom des juges majoritaires de la Cour suprême, la juge Sheilah L. Martin a affirmé que lorsque le port du condom est une condition à la relation sexuelle, « il n’y a pas de consentement à l’acte physique qui consiste à avoir des rapports sexuels sans condom ».

Le condom fait partie de l’« activité sexuelle » en question à laquelle la personne a consenti.

Selon la Cour suprême, la plaignante a fourni des preuves qu’elle n’aurait pas eu de relation sexuelle avec M. Kirkpatrick sans condom. Par conséquent, il y avait des preuves que la plaignante n’avait pas consenti à l’activité sexuelle en question. Aux yeux de la Cour suprême, le juge du premier procès a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas de preuves et en rejetant l’accusation d’agression sexuelle.

Tous les principes d’interprétation législative commandent la conclusion selon laquelle un rapport sexuel avec un condom est une activité sexuelle différente d’un rapport sexuel sans condom aux fins de la détermination de l’activité sexuelle à laquelle il a été consenti.

La juge de la Cour suprême Sheilah L. Martin, dans la décision

De l’avis de la Cour suprême, il y a « une certaine preuve que la plaignante a donné son accord volontaire à l’activité sexuelle. Cependant, à la deuxième étape, il y a aussi une certaine preuve que le consentement apparent de la plaignante a pu être vicié par la fraude ».

Il y avait donc, est-il écrit dans la décision, « au moins une certaine preuve de malhonnêteté par omission et de risque de privation en raison du risque de grossesse ».

Appelé à commenter cette décision de la Cour suprême, MJean-Claude Hébert explique notamment que « les juges rappellent une réalité : un rapport sexuel sans condom est un acte physique fondamentalement et qualitativement différent d’un rapport sexuel avec un condom.

« L’opinion majoritaire a saisi l’occasion de rappeler une ligne directrice sur l’interaction entre des personnes : tout individu a le droit de décider qui touche son corps et de quelle manière. »

« Aujourd’hui, non veut dire non, et seul oui veut dire oui », rappelle aussi Me Hébert.

Il prévoit enfin que certains gestes grossiers (à connotation sexuelle), telles les mains baladeuses, risquent fort de donner lieu à des dénonciations judiciaires. « En fin de compte, la qualité de la preuve et la crédibilité des témoins restent déterminantes. »