Gino Perreault, homme sans domicile fixe de 46 ans de Val-Alain, manque à l’appel depuis près de deux ans. Ses proches sont dans le néant et cherchent des réponses. « Aucun indice ne nous permet de savoir s’il est mort ou vivant », raconte sa sœur, en entrevue avec La Presse.

L’homme qui vivait alors en situation d’itinérance a été vu pour la dernière fois le 24 octobre 2020 dans le secteur de Val-Alain, petite municipalité d’environ 1000 habitants dans la région de Chaudière-Appalaches. La Sûreté du Québec a lancé un avis de recherche mardi dernier.

Lisez « Un itinérant manque à l’appel depuis près de deux ans »

Il n’est pas rare que Gino s’absente plusieurs mois, selon Manon Perreault, sa sœur aînée. Néanmoins, sa dernière absence est plus inquiétante que d’habitude, d’où le signalement tardif à la police.

« S’il s’en allait, il partait toujours avec son vélo, explique-t-elle, au bout du fil. Cette fois-ci, il ne l’a pas apporté et son compte de banque où il allait régulièrement chercher son chèque d’aide sociale est inactif depuis plus de deux ans. Est-ce parce qu’il est mort ou parce qu’il s’est enfoncé encore plus dans la maladie ? Rien n’est certain. »

Juste avant sa disparition, Gino Perreault squattait une chambre d’un motel appartenant à son père. Il aurait ensuite rencontré son frère pour demander des provisions. C’est la dernière fois qu’il aurait donné signe de vie.

« Il semblait plus déprimé que d’habitude », se souvient sa sœur Manon, avec résignation.

Un passé difficile

Gino souffre depuis longtemps de schizophrénie, une maladie qui touche également d’autres membres de la famille.

« C’est vers 14 ans que sa vie de révolte a commencé et que sa maladie s’est déclenchée, poursuit Mme Perreault. Il consommait énormément de marijuana. »

L’homme compose aussi avec des difficultés organisationnelles. « Il n’est pas capable de gérer son argent ou de s’occuper de lui ni de ses affaires. »

PHOTO FOURNIE PAR MANON PERREAULT

Gino Perreault durant sa jeunesse. « La plupart des photos qu’on a de lui datent d’il y a plus de 20 ans. Il n’aimait pas se faire prendre en photo », témoigne sa sœur.

En 2007, la famille ne recevait plus de nouvelles de Gino, alors que celui-ci résidait dans la maison que ses parents lui avaient achetée juste à côté de la leur. Inquiets, ils se sont résignés à appeler la police.

« Les policiers ont dû défoncer la porte de sa maison. À l’intérieur, c’était infernal. Il accumulait des déchets dans le sous-sol. C’était complètement insalubre. »

Après cette découverte, Gino Perreault a été hospitalisé aux soins psychiatriques. Il en est ressorti une semaine plus tard. « Il n’a pas coopéré et il a refusé toute option de traitement, affirme Manon Perreault. Dans sa tête, il n’est pas malade. C’est les autres qui ont un problème. »

L’homme n’est suivi par aucun professionnel de la santé, pas même un dentiste, ajoute sa sœur.

[Gino] n’est pas traité pour sa maladie. En même temps, c’est difficile de soigner quelqu’un qui refuse de se faire aider.

Manon Perreault

« Personne ne devrait vivre comme ça », ajoute-t-elle.

Après son hospitalisation, Gino s’est enfoncé dans un cycle de vagabondage, où il restait quelques mois dans une tente installée dans le bois près de la maison de ses parents pour ensuite partir plusieurs mois sans destination précise avec son vélo.

« Il n’était pas capable de rester longtemps au même endroit. Mon père lui avait acheté une roulotte pour qu’il puisse au moins rester dans la cour, mais il repartait souvent pour aller je ne sais trop où. Il revenait seulement pour demander de l’argent, de la nourriture ou un endroit où rester. Il revenait souvent amaigri. »

Les relations entre Gino Perreault et les membres de la famille sont difficiles, confie Manon, qui décrit son frère comme quelqu’un de froid ayant de la difficulté avec l’autorité et les consignes.

« Il ne montre pas vraiment ses sentiments. Il est assez renfermé. Il n’avait aucun ami ni aucune fréquentation. Il est porté à s’emporter quand il n’obtient pas ce qu’il veut. La maladie exacerbe tout cela. »

Une triste réalité

Manon Perreault déplore le peu de soins psychologiques que son frère a reçus. « Il était allé avec nos parents dans un organisme de soutien familial en santé mentale il y a plus de 10 ans. Il y a eu un peu de suivi, mais cela n’a pas duré. »

« Ce [genre de situation] n’est vraiment pas facile pour une famille, souligne le psychiatre Olivier Farmer, de l’hôpital Notre-Dame à Montréal. Cela peut être un parcours du combattant de convaincre un proche malade de se faire soigner, alors que celui-ci refuse. »

Actuellement, un médecin peut mettre une personne sous garde contre son gré durant 72 heures, sans autorisation du tribunal et sans évaluation psychiatrique, seulement s’il est d’avis que son état mental présente un danger grave et immédiat.

Passé trois jours, il faut un ordre de la cour, qui fixe la durée de la garde. Le tribunal peut aussi forcer un malade à se soumettre à une évaluation psychiatrique, afin de déterminer si son état mental présente un danger. Une autre procédure judiciaire distincte, appelée « autorisation judiciaire de soins », permet d’obliger un patient à recevoir des traitements ou à prendre ses médicaments.

Selon le centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches, l’itinérance s’exprime autrement en région et devient donc moins visible. Les personnes touchées par l’itinérance ont tendance à squatter chez des proches. Elles peuvent dormir dans leur voiture, une maison abandonnée, un bois, sous les vérandas, sous les viaducs, près des entrées d’édifice ou des conteneurs, hiver comme été.

Manon Perreault n’écarte pas la possibilité que son frère soit mort, mais elle souhaite tout de même lui transmettre un message : « C’est sûr qu’on est inquiets pour lui et qu’on aimerait le revoir. »

Avec la collaboration de Gabrielle Duchaine