Le policier André Charland de la Sûreté du Québec a été acquitté d’accusations d’avoir agressé sexuellement deux adolescentes de 15 ans dans les années 1980 à Lac-Mégantic. Les plaignantes ont pourtant livré de troublants récits de leur agression sexuelle aux mains du futur policier des Cantons-de-l’Est.

Six mois après le procès, le juge Paul Dunnigan a rendu jugement à l’aide de ses notes, sans déposer de décision, le 17 juin dernier, au palais de justice de Sherbrooke. Pour en obtenir un exemplaire, la procureure de la Couronne a été contrainte d’en faire la demande au juge et de s’engager à ne pas le publier. C’est donc grâce au repiquage audio de l’audience que nous pouvons relater cette décision d’intérêt public.

André Charland, résidant de Candiac de 55 ans, avait été accusé en novembre 2018 pour des crimes sexuels allégués survenus en 1986 et en 1987 contre deux adolescentes de 15 ans. À l’époque, André Charland avait environ 20 ans et n’était pas policier. Il était toutefois un jeune hockeyeur en vue de la région de Lac-Mégantic.

Récits divergents

C’est dans un bar que la première victime affirme avoir rencontré André Charland un samedi soir. À cette époque, les jeunes de 15 ans fréquentaient souvent les bars de Lac-Mégantic, selon les plaignantes. À la fermeture, André Charland a invité l’adolescente et un couple d’amis à la résidence de ses parents.

Leurs récits divergent sur la suite. La plaignante a témoigné s’être sentie « étourdie » au moment de partir et ne rien se rappeler de la nuit. À son réveil, elle relate qu’André Charland était en train de la pénétrer. Lors de son interrogatoire policier, elle a dit avoir saigné du vagin et de l’anus et avoir vu une imposante trace de sang dans les draps.

André Charland a donné une version bien différente au procès. Selon lui, la plaignante s’était endormie sur le sofa en soirée, puis il avait réalisé le matin qu’elle était venue dans son lit pendant la nuit. Après qu’ils se sont embrassés, il lui a demandé si elle voulait aller plus loin. « Oui, mais tranquillement », a-t-elle répondu. Il l’a brièvement pénétrée, mais a cessé comme elle demandait d’arrêter en raison de la douleur.

« La version de l’accusé quant au consentement éclairé de [la plaignante] à la relation sexuelle ne peut être écartée même si son récit n’apparaît pas être plus probable que celui de [la plaignante] », a conclu le juge Dunnigan. Précisons que l’âge du consentement était de 14 ans à l’époque.

Peu de temps après cet évènement, la première plaignante soutient avoir confié à son amie (la seconde plaignante) avoir été agressée par André Charland.

Son amie aurait alors confié à son tour avoir été agressée par le hockeyeur plus âgé. Un flou persiste sur cette discussion.

Des souvenirs « effacés »

La seconde plaignante a d’abord émis des doutes sur la qualité de ses souvenirs dans ses déclarations aux policiers. « C’est quelque chose que j’avais vraiment effacé, je ne voulais rien savoir », a-t-elle dit. Mais au procès, son récit semblait très précis.

À l’époque, la plaignante s’est rendue chez l’accusé pour une fête après un match de hockey. Selon son récit, elle est entrée dans la salle de bains, mais André Charland l’a suivie et a fermé la porte. Le jeune homme a ensuite tripoté ses seins et a tenté de l’embrasser. Quand elle a voulu sortir, il a répondu : « Ben non, tu ne t’en sortiras pas comme ça », a-t-elle témoigné.

L’adolescente s’est ensuite rendue au sous-sol pour récupérer son manteau. « Tu ne pensais pas t’en sortir comme ça. On va finir », aurait alors lancé André Charland en lui bloquant la porte. Selon la plaignante, le jeune homme l’a embrassée, lui a touché les seins, puis l’a obligée à lui faire une fellation.

« Même si elle témoigne avoir des blancs, elle se souvient s’être trouvée ensuite dos à lui, les vêtements descendus. Il y a pénétration et douleur au vagin. Elle témoigne après qu’elle a eu un moment où elle était plus ou moins là. Elle a abandonné », a résumé le juge. André Charland l’aurait ensuite menacée de ternir sa réputation si elle le dénonçait.

Rien de tout ça n’est arrivé, selon André Charland, puisqu’il affirme n’avoir jamais vu ou connu cette femme. De plus, il maintient n’avoir jamais invité un groupe de hockey à la résidence de ses parents à l’époque. Un homme vu par la plaignante lors de la fête a témoigné n’être jamais allé à cet endroit.

« Même si la version de l’accusé n’apparaît pas plus probable que celle de la plaignante, le Tribunal ne peut l’exclure », a conclu le juge. Les motifs du juge pour conclure à l’acquittement demeurent cependant difficiles à cerner. Étonnamment, le juge ne s’est pas prononcé sur la crédibilité du témoignage des plaignantes et de l’accusé.

La procureure de la Couronne MIsabelle Dorion évalue la possibilité de faire appel du jugement. Le policier a été défendu par MNadine Touma.