La lutte contre l’augmentation de la violence armée s’est transposée dans la réserve mohawk d’Akwesasne jeudi

(Akwesasne) Les eaux québécoises à la hauteur d’Akwesasne, territoire mohawk chevauchant la frontière entre le Canada et les États-Unis et considéré comme une porte d’entrée pour le trafic d’armes au Québec, seront dorénavant surveillées en permanence.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, et le ministre des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, étaient de passage à Akwesasne jeudi pour annoncer une somme de 6,2 millions sur cinq ans destinée au Service de police mohawk de la communauté, au moment où la région du Grand Montréal connaît une flambée de la violence armée.

Cet argent permettra l’embauche de cinq policiers supplémentaires et l’achat d’un nouveau bateau de patrouille, d’un véhicule tout-terrain et de motoneiges afin de renforcer la lutte contre l’approvisionnement illégal d’armes à feu dans la province.

Ces nouvelles ressources permettront aux policiers d’Akwesasne de patrouiller constamment sur les eaux du fleuve Saint-Laurent à la hauteur de la communauté, et ce, 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine. Leur surveillance se limitait auparavant à une douzaine d’heures par jour. Le but : dissuader les contrebandiers, sinon les intercepter, et augmenter le nombre de saisies d’armes.

Défi particulier

« C’est particulier, il y a un gros défi géographique du fait qu’on borde le Québec, l’Ontario, les États-Unis. [Il y a] 30 km de rivage, donc ça prend des patrouilles nautiques », a expliqué Mme Guilbault, en conférence de presse, avant de s’éloigner à bord de l’un des bateaux du Service de police mohawk d’Akwesasne, sous une fine pluie.

Le fait que le territoire d’Akwesasne est accessible par voie terrestre depuis les États-Unis sans qu’on ait à passer par un poste frontalier en fait un lieu de transit pour toutes sortes d’activités criminelles, et ce, depuis longtemps.

En 2010, un rapport de la Gendarmerie royale du Canada sur la sécurité des frontières expliquait que « la situation géographique unique du territoire d’Akwesasne […] met toujours à rude épreuve les organismes d’application de la loi de diverses compétences, des deux côtés de la frontière ».

Des armes des États-Unis

Le chef du Service de police mohawk d’Akwesasne, Shawn Dulude, a d’ailleurs tenu à rappeler cet état de fait. « Il n’y a pas de manufactures d’armes dans notre communauté, il n’y en a pas près non plus, ce sont des armes qui proviennent du sud des États-Unis », a-t-il expliqué, au côté de la ministre Geneviève Guilbault.

Ça passe entre beaucoup d’autres mains avant de se rendre à nous et on se trouve tributaires d’un gros problème qui n’est pas nécessairement le nôtre et on est obligés de vivre avec ça. Du fait d’où on est, ça tombe dans notre assiette.

Shawn Dulude, chef de police d’Akwesasne et président de l’Association des directeurs de police des Premières Nations et des Inuits du Québec

Ses agents ont saisi 132 armes et procédé à huit arrestations l’an dernier seulement, dans le cadre de leurs patrouilles. M. Dulude affirme toutefois qu’il est impossible de connaître le nombre exact d’armes à feu qui transitent illégalement par Akwesasne.

La mafia, les Hells Angels, la pègre irlandaise : tous s’approvisionnent auprès de ces fournisseurs dont l’appartenance reste nébuleuse, selon Shawn Dulude.

Ce dernier a d’ailleurs vanté les investissements annoncés jeudi, qui permettront au corps policier qu’il dirige d’être mieux équipé face aux contrebandiers, bien qu’il reste limité dans sa capacité d’intervenir.

« Les bateaux des contrebandiers, ce sont des bateaux qui sont aussi puissants que les nôtres, voire plus. Donc s’en suit la fuite de leur part et, à cause de notre situation [géographique], la fuite n’est pas longue pour eux, car dès qu’ils traversent en eaux américaines, nous, notre poursuite se termine là », a-t-il expliqué.

Et le fédéral ?

L’investissement annoncé jeudi s’inscrit dans le cadre de l’opération Centaure, stratégie coordonnée de plusieurs corps policiers de la province destinée à lutter contre la prolifération des crimes par armes à feu au Québec.

Alors que les policiers de Montréal et de Laval rapportent une augmentation de la violence armée sur leur territoire, la ministre de la Sécurité publique du Québec presse son homologue fédéral, Marco Mendicino, de conclure une entente pour le financement des forces de l’ordre dans la province.

« J’attends toujours la signature de mon entente avec le fédéral pour l’argent qu’ils ont mis sur la table, quand même un montant intéressant, pour pouvoir financer nos forces de l’ordre au Québec pour la lutte à la violence armée, a déclaré Geneviève Guilbault. […] Il y a beaucoup d’ouverture, mais j’attends toujours la signature de cette entente pour qu’on puisse utiliser l’argent, et on sait qu’on en a besoin. »