« Arrête de crier, arrête de pleurer, sinon, on va te tuer. » C’est la menace à glacer le sang qu’aurait lancée l’un des agresseurs avant de soumettre une jeune femme fortement intoxiquée par l’alcool à un sordide viol collectif. L’un des coaccusés avait prétexté raccompagner la victime pour sa « sécurité » dans sa chambre d’hôtel.

Kervin Legros, 27 ans, et John Jamesley Felix, 30 ans, sont jugés depuis janvier dernier au palais de justice de Montréal. Sans avoir techniquement plaidé coupables, les deux hommes reconnaissent avoir commis une agression sexuelle avec la participation d’une autre personne. Ils contestent toutefois la gravité de leurs gestes en évoquant tout de même des relations sexuelles consensuelles, tout en niant avoir séquestré et menacé la victime.

« Les accusés vont minimiser, édulcorer et restreindre leur responsabilité. […] Ultimement, ce sont deux hommes qui ont forcé une relation », a plaidé le procureur de la Couronne, MPierre-Olivier Bolduc, mardi lors des plaidoiries.

Originaire de Québec, la victime se rend à Montréal en mai 2019 pour célébrer l’anniversaire d’une amie. Elle ne connaît personne d’autre à cette fête où John Jamesley Felix demande sa copine en fiançailles devant tout le monde. Alors que la victime est complètement ivre, Kervin Legros lui offre de la raccompagner à son hôtel au centre-ville. Son ami John Jamesley Felix le suit avec un autre véhicule. Il avait alors un « plan » pour agresser la victime, estime la Couronne.

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Kervin Legros à sa sortie de la salle d’audience

La victime est tellement intoxiquée que les deux hommes doivent s’y prendre à deux pour l’aider à sortir du véhicule. Ils l’escortent devant sa porte et entrent dans la chambre pour l’agresser, selon la version de la poursuite. « J’ai commencé à me débattre. J’ai donné des coups de pied, j’ai crié. Ce n’étaient pas des paroles, j’ai juste crié. Et j’ai pleuré également », a témoigné la victime en janvier dernier.

Malgré son intoxication, la victime conserve de vifs souvenirs en « flashbacks » de ce cauchemar. D’emblée, John Jamesley Felix a menacé de la tuer si elle n’obtempérait pas, affirme-t-elle. Poussée sur le lit, elle est forcée de faire une fellation à M. Legros, en plus d’être pénétrée de force dans le vagin et dans l’anus par M. Felix.

« Elle ne pouvait consentir et n’a pas consenti », a martelé MBolduc.

Parmi les nombreux facteurs aggravants, la Couronne souligne que les accusés ont fait couler de force une bouteille d’alcool fort dans la gorge de la victime, au point que le liquide lui sortait par les narines. Ils l’ont également transportée dans la douche, alors qu’elle était inconsciente, puis l’ont abandonnée nue dans son vomi dans le lit.

Des témoins ont entendu des cris

« A woman crying for help. » C’est ainsi que la voisine de chambre, qui a alerté l’hôtel, a décrit les cris entendus de l’autre côté du mur. Un autre témoin clé, l’agent de sécurité de l’hôtel, soutient avoir entendu « des cris forts, des gémissements et des bruits de claques ». John Jamesley Felix l’a toutefois rassuré en lui disant qu’il allait « baisser le son ».

Kervin Legros a « clairement manqué de jugement », puisque la victime était « clairement intoxiquée », convient son avocate, MNadia Jamieson. Toutefois, il n’a jamais été témoin des menaces lancées par son coaccusé et ignorait que la victime s’était sentie forcée d’avoir une relation sexuelle, a-t-elle plaidé mardi. Et au départ, s’il a reconduit la victime à l’hôtel, c’était pour de « bonnes raisons » afin de lui « rendre service ».

Quant à John Jamesley Felix, il n’a jamais exercé de « pressions physiques ou mentales » pour forcer la victime à faire des gestes sexuels, puisque tout s’est naturellement « emboîté », a plaidé son avocate, MVicky Powell, en soulignant les « lacunes » dans le récit de la victime. Si son client a tenté de jeter les draps souillés dans la chute à linge sale, c’est seulement par « réflexe professionnel », a soutenu MPowell.

Selon la Couronne, les témoignages des accusés sont truffés « d’invraisemblances et de mensonges », particulièrement celui de John Jamesley Felix.

La juge Suzanne Costom rendra son jugement en juin prochain.