(Québec) Il est impossible que Carl Girouard ait été en psychose au moment d’attaquer sept passants innocents avec son sabre dans le Vieux-Québec, car cela impliquerait une guérison « miraculeuse » en détention.

Voilà la thèse qu’a martelée la Couronne dans son ultime tentative de convaincre les 11 membres du jury. La poursuite estime que le tueur est criminellement responsable de ses gestes. L’avocat de Carl Girouard a quant à lui profité des plaidoiries pour chercher à miner la crédibilité des deux experts de la poursuite.

« Allez-vous croire que Carl Girouard, qui est obsédé par cette mission pendant six ans, va exécuter la mission, sortir de sa psychose en un claquement de doigts, ne plus jamais y penser et ne plus jamais en reparler, et ce, sans aucune forme de médication ? », a demandé au jury le procureur de la Couronne, MFrançois Godin.

« Allez-vous croire ça ? », a-t-il ajouté avec emphase, regardant les jurés bien en face au palais de justice de Québec.

La Couronne a rappelé dans ses plaidoiries que Girouard avait eu un comportement exemplaire en détention, après son carnage du 31 octobre 2020.

En apparence en pleine possession de ses moyens, il a fait valoir son droit de garder le silence pendant les cinq longues heures de l’interrogatoire policier sans jamais flancher.

Or, il n’a reçu un véritable traitement antipsychotique qu’à partir de juillet 2021.

Qui plus est, un neuropsychologue qui a témoigné pour la poursuite a fait passer deux tests au tueur en détention. Les deux ont conclu à l’absence de psychose. « On explique ça comment, en défense, une guérison que je qualifierais de miraculeuse ? », a demandé MGodin.

Celui-ci pense plutôt que le tueur ne souffrait pas de troubles mentaux le soir de l’Halloween 2020. Il avait confié son plan dès 2014 dans un texte soumis à un professeur de français. Puis il l’avait soigneusement préparé, allant même jusqu’à visiter le lieu de son carnage le soir de l’Halloween 2018.

« Une erreur fondamentale »

L’avocat de Carl Girouard a quant à lui attaqué la crédibilité des experts de la poursuite. La thèse de la Couronne est un château de cartes condamné à s’effondrer, car son socle est construit sur une « erreur fondamentale », a lancé en substance MPierre Gagnon.

« Quelle valeur peut-on donner à ces résultats quand les prémisses sont fausses ? », a demandé MGagnon.

Les tests du neuropsychologue William Pothier, qui ont conclu que Carl Girouard n’était pas schizophrène, sont faussés, selon lui. Car l’expert de la poursuite ignorait que le tueur avait consommé un médicament antipsychotique quelques semaines avant de subir les tests à l’hiver 2022. Leur effet aurait encore pu se faire sentir, selon lui.

« Le DPothier passe les tests et se dit un peu étonné des résultats, car Carl Girouard n’a pas été soumis à de la médication antipsychotique. Mais c’est faux, on le sait maintenant.

« C’est une erreur fondamentale », a-t-il lancé au jury.

Les conclusions selon lui erronées du neuropsychologue ont ensuite servi d’assisses au second expert de la Couronne, le psychiatre Sylvain Faucher, qui aurait produit un rapport « biaisé ».

L’avocat de Carl Girouard affirme que le DFaucher s’est entêté à défendre sa thèse en contre-interrogatoire, car il était « en mission » et « en représentation ». Il voulait absolument remporter le « duel ». « Ça vous démontre la personnalité du personnage. »

En revanche, MGagnon a fait valoir les qualités de son propre expert. Le DGilles Chamberland « a une carrière qui selon moi pourrait faire l’envie de bien des psychiatres ».

Le DChamberland a conclu que Girouard était en psychose au moment de tuer deux passants innocents avec un sabre. Les Drs Pothier et Faucher estiment quant à eux que le tueur n’était pas en délire le soir de la tuerie, mais réalisait plutôt un fantasme malveillant, découlant d’un ressentiment envers une société qui l’avait rejeté.

Les plaidoiries terminées, le juge Richard Grenier doit donner ses instructions au jury ce jeudi et lundi. Les jurés seront ensuite isolés et devront rendre leur décision.

Carl Girouard, 26 ans, admet être l’auteur de l’attaque. Mais il plaide la non-responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux. Il est accusé de deux meurtres au premier degré et de cinq tentatives de meurtre.