SNC-Lavalin a annoncé vendredi avoir conclu un accord avec la Couronne qui lui permettrait de payer une amende de 30 millions de dollars et d’éviter un procès criminel en lien avec un vieux dossier de pots-de-vin versés pour obtenir un contrat de réfection du pont Jacques-Cartier au début des années 2000.

La thèse de la poursuite dans cette affaire, qui découle d’une enquête de la Gendarmerie royale du Canada, est que l’entreprise aurait versé environ 2,35 millions de dollars en pots-de-vin à Michel Fournier, qui était alors président de la Société des ponts fédéraux, afin d’être favorisée pour l’attribution d’un contrat public de 128 millions. Les faits se seraient déroulés entre 1997 et 2004. M. Fournier a déjà reconnu sa culpabilité dans cette affaire et a été condamné à une peine de cinq ans et demi de prison.

Dès le dépôt des accusations en septembre dernier, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait déclaré qu’il invitait SNC-Lavalin à négocier un accord de poursuite suspendue. C’est ce genre d’entente que l’entreprise avait tenté sans succès d’obtenir pour éviter un procès criminel dans le dossier de corruption en Libye, ce qui avait provoqué une crise au sein du cabinet de Justin Trudeau et mené au départ de l’ancienne ministre Jody Wilson-Raybould du caucus libéral.

Lisez l’article « Nouvelles accusations contre SNC-Lavalin et deux ex-cadres »

Cette fois, les négociations ont abouti. Un juge doit toutefois approuver l’accord entre SNC-Lavalin et la Couronne, qui sera présenté en cour le 10 mai. La firme de génie-conseil était accusée de fraude, complot et fabrication d’un faux document.

SNC-Lavalin aurait trois ans pour payer la pénalité financière prévue par l’accord, si celui-ci est entériné par le juge. Ni l’entreprise ni le DPCP n’ont voulu commenter la situation plus en détail vendredi. Les modalités du calcul ayant conduit à déterminer le montant de l’amende n’ont pas été expliquées.

Lorsqu’une division de SNC-Lavalin avait plaidé coupable à une accusation de fraude en lien avec la corruption en Libye, en décembre 2019, la poursuite et la défense s’étaient entendues pour une amende de 280 millions de dollars, calculée en comparant les peines imposées à des entreprises impliquées dans des causes semblables aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Deux anciens cadres toujours accusés

Deux anciens cadres de l’entreprise, Kamal Francis et Normand Morin, sont en attente de leur procès criminel dans le même dossier. Ils sont accusés de corruption d’un fonctionnaire fédéral, entre autres. L’entente conclue par l’entreprise ne s’applique pas à eux.

Les accords de poursuite suspendue ont été introduits au Canada par le gouvernement Trudeau en 2018, par un amendement au Code criminel. De tels accords, qui permettent de sanctionner une entreprise qui reconnaît ses torts sans avoir à passer par un procès criminel et une condamnation en cour, existaient déjà dans plusieurs pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, où ils sont couramment utilisés.

Le fait de ne pas écoper d’une condamnation criminelle permet par ailleurs à l’entreprise d’éviter d’être exclue de certains marchés publics.