Le policier Roger Fréchette, accusé d’avoir agressé sexuellement une femme qu’il a raccompagnée à son hôtel quelques minutes après qu’il l’a fait libérer d’un centre de détention du SPVM pour ivresse publique, a été longuement cuisiné, jeudi, par la procureure de la Couronne Andrée-Anne Tremblay.

Chaque intervention du policier auprès de la plaignante, alors qu’elle était incarcérée au Centre opérationnel Sud du SPVM, le 18 février 2019, à la suite d’une arrestation lors d’une soirée arrosée, a été décortiquée, minute par minute. La femme, qui dit souffrir d’un syndrome de stress post-traumatique qui explique sa « mémoire brumeuse » des évènements, était très agitée et hurlait constamment depuis son arrivée, selon le policier.

La juge Lori Renée Weitzman a visionné une vidéo sans son provenant des caméras du centre de détention, que les représentants médias n’ont pas pu voir en raison d’un huis clos partiel, montrant plusieurs minutes où la plaignante s’est dénudée en cellule. Le policier Fréchette est longtemps resté devant sa cellule, alors qu’elle avait les parties génitales exposées. « Elle me parle spontanément », a expliqué le policier.

« Elle est calme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je reste là. Les autres détenus nous demandaient de lui fermer la gueule ».

Le policier a expliqué avoir libéré la plaignante vers 5 h 30 du matin parce qu’elle était rendue sobre. « On essaie de les libérer le plus possible autour de 5 h 30, c’est l’heure d’ouverture des métros », a-t-il précisé.

S’appuyant sur un autre extrait vidéo, la procureure de la Coronne a souligné que, quelques minutes avant d’autoriser sa sortie, Roger Fréchette s’est rendu une fois de plus devant la cellule de la femme pour parler avec elle. « Est-ce que ça se peut que vous lui ayez dit : “je vais t’attendre à l’extérieur ? » », a suggéré MTremblay.

« Impossible », a rétorqué le policier.

Quelques minutes plus tard, elle montait à bord de son véhicule. La femme ne savait pas où se trouvait l’hôtel où elle logeait, ni même du nom de l’établissement.

Une fois l’hôtel trouvé, M. Fréchette dit qu’il a juste voulu s’assurer qu’elle ne reste pas à l’extérieur, sans manteau, par 20 degrés sous zéro.

L’attitude du policier, une fois rendu dans la chambre d’hôtel de la plaignante, a aussi fait l’objet d’une attention particulière lors du contre-interrogatoire. Le policier dit avoir accepté l’invitation de la femme d’entrer dans la chambre parce qu’il avait « du temps à écouler » avant un rendez-vous médical du CHUM, quelques heures plus tard. « Elle m’a dit : s’il vous plaît, j’ai besoin de parler », a affirmé M. Fréchette

« Une fois dans la chambre. Est-ce que vous vous dites : est-ce que je devrais partir ? », lui a demandé MTremblay.

« Elle n’était pas intoxiquée dans le moment présent. Ça faisait mon affaire d’écouler le temps en attendant mon rendez-vous », a insisté le policier.

Roger Fréchette affirme qu’il a fini par quitter la chambre quand la femme, qui avait perdu son argent avant son arrestation, lui a demandé de la ramener à Gatineau ou de lui donner 150 $ pour qu’elle puisse prendre le train. Il s’est levé pour partir, et elle l’aurait alors pris par le cou, lui aurait léché l’oreille, y déposant « une quantité industrielle de bave », et aurait mis sa main sur son pénis. Le policer s’est alors éclipsé après s’être essuyé le visage aux toilettes.

Il n’a jamais parlé de l’incident à qui que ce soit. « Je n’étais pas nécessairement fier d’avoir entré [dans la chambre], d’avoir été naïf », a-t-il dit.

La femme a porté plainte pour agression sexuelle, ce qui a démarré une enquête déontologique, la première en 34 ans de service pour M. Fréchette. Le dossier a finalement été transféré au Bureau des enquêtes indépendantes, qui a mené l’enquête.

La suite du procès a été repoussée au mois d’octobre. L’avocat du policier, Me Félix Rémillard-Larose, souhaite faire témoigner une journaliste du Devoir qui a interviewé la plaignante avant le procès. Tout porte à croire que le Devoir va contester la citation à témoigner de sa journaliste.