Les membres du jury au procès de Benoit Cardinal ignorent que l’accusé aurait eu des relations sexuelles avec une adolescente, témoin clé de la Couronne.

Comme il arrive fréquemment dans un procès, certaines informations ne sont pas révélées aux membres du jury. Parmi celles qui n’ont pas été dévoilées au procès de Benoit Cardinal, accusé d’avoir tué sa conjointe, il y a le motif de la suspension de l’accusé du centre jeunesse de Laval. Maintenant que les jurés sont isolés, La Presse peut dévoiler ce qu’ils ne savent pas.

Pourquoi l’accusé avait-il été suspendu du centre, le 26 décembre 2019 ? La mère d’une des adolescentes qui vivaient au centre avait déposé une plainte contre Cardinal. Elle affirmait qu’il avait fait des gestes et eu des propos déplacés envers sa fille, a-t-il été expliqué lors de l’enquête sur remise en liberté.

Une enquête a ensuite été ouverte par le Service de police de Laval concernant des allégations d’agression sexuelle sur neuf adolescentes.

Parmi les mineures du centre jeunesse de Laval qui ont été rencontrées par des enquêteurs, il y a l’adolescente qui a témoigné lors du procès, qu’une ordonnance de non-publication nous empêche de nommer. Elle a raconté en détail, à l’enquêteur Gino Coulombe, la relation intime qu’elle aurait tissée avec l’homme de 33 ans.

Une relation particulière avec l’accusé

Elle avait 16 ans lorsqu’elle a rencontré Cardinal au Centre jeunesse de Laval, à l’été 2019. Rapidement, ils auraient développé une relation particulière et se seraient confiés l’un à l’autre sur toutes sortes de sujets. Elle lui aurait notamment dit qu’elle avait été agressée sexuellement après avoir fugué du centre jeunesse, a-t-elle affirmé lors de son témoignage le 21 février 2020.

C’est lors de cette entrevue que la jeune femme, aujourd’hui âgée de 18 ans, a confié au policier que Cardinal lui avait dit quelques jours avant le meurtre de Jaël Cantin qu’il avait trois plans pour tuer sa conjointe et camoufler le crime. Cette partie du témoignage a été entendue par les membres du jury.

Mais les jurés ignorent que l’accusé aurait eu des relations sexuelles avec cette femme, alors qu’elle était adolescente.

Le tout aurait commencé à l’automne 2019, lorsque Cardinal aurait demandé de sortir du centre jeunesse avec elle pour aller faire des achats au Bulk Barn. Sauf qu’au lieu de se rendre au magasin, ils auraient « fait l’amour » dans la minifourgonnette du père de six enfants.

La jeune femme a indiqué que même s’il ne lui avait rien dit de ses intentions, tout semblait planifié avant qu’ils quittent le centre jeunesse, puisque les banquettes de la Dodge Caravan « étaient baissées » et qu’il avait étendu des couvertures.

Il lui aurait ensuite dit de ne pas en parler, puisqu’il ne voulait pas perdre son emploi. « Il savait que je n’allais pas parler, parce que j’avais peur d’être dans le trouble », a-t-elle dit à l’enquêteur. Le lendemain de cette relation sexuelle, Cardinal serait venu la réveiller en lui insérant « deux doigts dans le vagin ».

« Quasiment tous les jours »

Dans les semaines qui ont suivi, Cardinal l’aurait régulièrement retrouvée dans sa chambre, notamment pour avoir des relations sexuelles.

« Quasiment tous les jours qu’il travaillait jusqu’à tant qu’il se fasse crisser dehors », a-t-elle déclaré.

« C’est clair que les éducateurs, ils se sont tous doutés des affaires, a-t-elle dit. C’était tout le temps, comme, on était trop proches. »

Elle allègue également qu’ils avaient des discussions sur leur avenir ensemble. À plusieurs reprises, il lui aurait dit que lorsqu’elle serait majeure, elle pourrait habiter avec lui. « Toute la vie va être bien plus belle ensemble, toi et moi, tu vas voir », aurait dit Cardinal à la jeune femme, en ajoutant qu’il n’était pas heureux avec la victime, Jaël Cantin.

Comme dit aux membres du jury, la mineure a fait une fugue quelques semaines après la suspension de Benoit Cardinal. L’accusé et elle se seraient vus à plusieurs reprises, notamment dans la résidence de Cardinal.

En ce qui concerne les allégations portées contre Cardinal à l’endroit de plusieurs autres adolescentes du centre jeunesse de Laval, il est question notamment d’échanges par textos ou sur les réseaux sociaux, dont un où Cardinal aurait écrit « Je t’aime ma ti pitoune », de même que de propos à connotations sexuelles faisant mention de « câlins » et de massages.

Pour le centre jeunesse, un congédiement « s’imposait », peut-on lire dans des documents judiciaires. Lorsqu’il a été informé de cette décision, Cardinal a choisi de démissionner.

Quelques jours plus tard, Mme Cantin était assassinée.