Destituée en juin 2020 en raison de ses retards « exorbitants », une juge du Tribunal administratif du Québec (TAQ) a échoué jeudi à retrouver son poste de magistrat. La Cour supérieure a rejeté sur toute la ligne le pourvoi en contrôle judiciaire de MKathya Gagnon, la première juge administrative à être destituée au Québec.

Une telle situation est « extraordinaire et inusitée », indique d’emblée le juge Jacques G. Bouchard dans son jugement. Pendant des années, la juge administrative Gagnon a accumulé des retards abyssaux pour rendre des décisions, au point de devoir se retirer pendant deux ans en 2012 pour rédiger les motifs de plus de 400 dossiers de la Commission d’examen des troubles mentaux.

De retour sur le banc à la Section des affaires sociales du TAQ en 2014, MGagnon est toujours incapable de rendre un jugement à temps, malgré toute l’aide offerte. La juge se sent alors « ostracisée » par ses patrons et les autres juges et rejette la faute sur ses « trous de mémoire » et sur son adjointe. Elle est convaincue qu’on lui impose les dossiers « les plus difficiles » pour pouvoir la « prendre en défaut ».

« On note également son manque constant de méthodologie et de rigueur ainsi qu’une absence totale d’autocritique », résume le juge Bouchard.

Arguments rejetés

Son comportement pousse le président du Tribunal à porter plainte à son endroit. En mai 2020, le verdict tombe : le comité d’enquête du Conseil de la justice administrative recommande sa destitution. Une première au Québec. Le conseil exécutif entérine sa destitution le mois suivant.

« Si elle n’a pas compris après toutes ces années, il est difficile de conclure qu’elle comprendra un jour. De toute évidence, elle ne possède pas la capacité de s’amender requise pour rétablir la confiance du public en l’institution », conclut le comité d’enquête dans un rapport au vitriol.

Or, non seulement les rapports d’enquête sur culpabilité et sur sanction ne comportent pas d’erreurs, mais ils sont de « véritables modèles » en la matière, estime le juge Bouchard. « Ils sont complets, intelligibles, abondamment appuyés sur la preuve et comportent un syllogisme sans faille. On n’y décèle aucune lacune pouvant avoir un impact sur la conclusion », conclut le magistrat.

L’avocate d’expérience plaidait notamment qu’on ne l’avait pas avisée de la possibilité d’être destituée de sorte qu’elle n’a pu faire valoir ses arguments à cet égard. Un reproche qui « manque de sérieux », tranche la Cour supérieure, en rejetant d’ailleurs tous les arguments de MGagnon.

« Le Tribunal ne croit pas qu’une avocate agissant comme décideur depuis de nombreuses années et ayant bénéficié de conseils juridiques tout au long du processus puisse avoir mal compris les enjeux et surtout la sanction potentielle. Penser autrement serait faire insulte à son intelligence », écrit le juge Bouchard.

Joint par La Presse, l’avocat de Kathya Gagnon n’a pas voulu commenter la décision.