(Québec ) La présumée victime de Michel Venne a affirmé mardi qu’elle regrettait d'avoir signé une lettre pour blanchir l’homme, que Lise Payette la lui avait dictée mot pour mot et qu’elle l’avait fait alors qu’elle était « dépourvue de ses moyens ».

« Cette lettre-là ne correspond pas à ce que je voulais écrire. Elle a été signée dans une situation où je me sentais totalement intimidée et dépourvue de mes moyens », a témoigné la femme de 29 ans, qu’une ordonnance de la cour interdit de nommer.

« Je n’aurais pas dû la signer, la maudite lettre. Mais je l’ai signée », a-t-elle ajouté. Elle a tout de même admis qu’elle n’avait pas été « contrainte » de le faire par Mme Payette.

La plaignante témoignait pour la deuxième journée dans le cadre du procès de Michel Venne, fondateur de l’Institut du Nouveau Monde (INM) et ancien éditorialiste au Devoir. Il est accusé d’agression sexuelle et d’exploitation sexuelle.

L’avocate de la défense a commencé son contre-interrogatoire lundi après-midi en questionnant la plaignante sur son comportement auprès de M. Venne en août 2008, alors qu’elle était stagiaire à l’INM, dirigé à l’époque par l’accusé. Elle avait alors 17 ans.

MLida Sara Nouraie a notamment demandé à la jeune femme si elle avait déjà fait la bise à M. Venne. Elle lui a aussi demandé si c’est exact qu’elle le tutoyait et l’appelait « Michel ».

Mardi, l’avocate de M. Venne s’est plutôt attardée sur les circonstances qui ont entouré la signature de la fameuse lettre en novembre 2015.

Son contenu exact n’a pas encore été présenté en cour. Mais il s’agirait essentiellement d’un document dans lequel la plaignante se dissocie de « rumeurs » qui circulaient sur une agression supposément commise par M. Venne à son endroit.

Or, cette lettre a été entièrement dictée par Lise Payette, affirme la plaignante. La grande figure du féminisme québécois aurait sollicité une rencontre avec la plaignante. Puis, au cours de l’entretien, elle l’aurait accusée de « faire du tort à un ami » et de détruire sa famille.

Lise Payette lui aurait aussi dit : « Tu n’as pas été violée ! » La plaignante a dit au juge mardi qu’elle avait été choquée par ces paroles, venant de la première ministre d’État à la Condition féminine.

Enregistrement modifié

Deux ans plus tard, elle a rappelé Lise Payette pour revenir sur ces évènements. Elle a enregistré la conversation. L’enregistrement a été entendu en cour lundi, même s’il n’a pas encore été admis en preuve.

On entend Mme Payette, décédée depuis, dire qu’elle lui avait fait signer la lettre pour protéger la carrière de la jeune femme et sauver la famille de M. Venne.

La défense a cherché à savoir pourquoi l’enregistrement initialement remis à la police avait été modifié par la plaignante. La conversation de 23 minutes avait été écourtée à 10 minutes. Elle avait subi 17 coupures.

La plaignante a répondu que la partie coupée n’avait pas d’importance dans le fond de l’histoire. Mais elle expliquait difficilement pourquoi elle avait fait certaines ponctions. Par exemple, dans la première version remise aux policiers, un passage où Mme Payette assurait que Michel Venne n’était pas son ami avait été coupé.

La défense a aussi relevé que la plaignante avait soustrait un passage où on entend Mme Payette dire que c’est la jeune femme qui avait écrit la lettre et qu’elle ne l’avait pas retouchée.

« Est-ce que ça ne donne pas l’impression que vous tentez d’induire en erreur la personne qui écoute ? », a demandé Me Lida Sara Nouraie.

La plaignante a expliqué qu’elle avait édité l’enregistrement pour ses archives. Elle s’apprêtait alors à faire une sortie sur Facebook dans la foulée du mouvement #moiaussi. Elle voulait conserver une preuve du rôle de Mme Payette dans l’affaire, a-t-elle expliqué.

La conversation n’a selon elle pas été modifiée dans le but d’induire le tribunal en erreur. D’ailleurs, elle dit avoir remis l’intégrale aux avocats de la défense dès que ceux-ci l’ont demandé. C’est la version complète qui a été présentée lundi en cour.

« Je suis très à l’aise avec l’intégrale de l’audio. J’ai du mal à comprendre les intentions derrière les coupures », a répondu la plaignante. « C’est un manque de rigueur de ma part et je l’admets, Monsieur le Juge. »

Le procès de Michel Venne va se poursuivre au palais de justice de Québec jusqu’à la semaine prochaine. La plaignante l’accuse notamment d’avoir tenté de mettre sa main dans son pantalon, à l’été 2008, alors qu’elle était sa stagiaire.