(Québec) « On était à un coup de téléphone de peut-être sauver une vie. »

Ces mots sont ceux de l’avocat d’Audrey Gagnon. MMarco Robert les a prononcés vendredi au dernier jour de l’enquête publique du coroner sur la mort de la petite Rosalie.

On ne saura jamais si en effet un coup de téléphone aurait pu sauver la vie de la fillette de 2 ans, tuée par sa mère en avril 2018. Mais de nombreux témoignages entendus cette semaine ont mis en lumière le manque de communication dans les jours ayant précédé le drame entre la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et la Maison Marie-Rollet.

« La Maison Marie-Rollet n’a pas le rôle d’être les yeux de la DPJ. Par ailleurs, comme tout bon citoyen devant une situation alarmante, peut-être qu’on aurait dû sonner la cloche auprès de la DPJ alors que l’enfant était pris en charge », a résumé vendredi la coroner Géhane Kamel.

L’enjeu est délicat pour les maisons d’hébergement. « Voulez-vous des rapports sur les mères tous les jours ? Parce que si c’était le cas, les mères ne voudraient plus aller en maison d’hébergement par peur de se faire enlever leurs enfants », a dit MMaryse Carré, qui représente la Maison Marie-Rollet.

La maison d’hébergement reconnaît toutefois qu’elle aurait dû s’assurer de parler à la DPJ avant d’expulser Audrey Gagnon et sa fille, le 12 avril en soirée. La politique interne de la maison a été modifiée en ce sens après le drame.

« On est d’accord [pour] ne pas laisser un enfant signalé à la DPJ quitter une maison d’hébergement sans avoir parlé à l’intervenante de la DPJ », a concédé MCarré.

À l’époque, la Maison Marie-Rollet avait décidé de ne pas signaler à la DPJ le départ de Rosalie. L’intervenante au dossier de Mme Gagnon à la DPJ avait été contactée. Mais elle n’avait été jointe que le lendemain.

Audrey Gagnon avait fait l’objet de deux signalements à l’organisme au fil des ans : le premier à la naissance de Rosalie, puisque la mère avait un passé émaillé d’épisodes de violence, de troubles mentaux et de toxicomanie ; le second en février 2018, après une intervention chez la mère d’Audrey Gagnon.

Entre le départ du 12 avril et la découverte du corps de la fillette le 18 avril, la DPJ n’a jamais connu l’adresse de résidence d’Audrey Gagnon, avait expliqué une intervenante.

La Maison Marie-Rollet, quant à elle, déplore de ne jamais avoir été avertie par la DPJ des antécédents criminels de la mère. Mme Gagnon avait passé six mois en détention en 2014 pour des voies de fait graves.

Ils devront s’asseoir ensemble

La coroner a déjà éventé une recommandation. Son rapport devrait demander aux maisons d’hébergement, à la DPJ et aux mères qui font l’objet d’un signalement de s’asseoir ensemble au début d’un séjour.

« Une des idées qui me semblent primordiales, c’est la rencontre tripartite où toutes les informations pourraient être partagées », a dit MKamel.

La coroner n’a pas indiqué vendredi quand son rapport doit être rendu. Déjà en 2019, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avait dénoncé dans un rapport d’enquête sur le drame plusieurs problèmes de communication entre la maison d’hébergement et la DPJ.

« Ce n’est pas le procès de toutes les maisons d’hébergement », a rappelé l’avocat d’Audrey Gagnon en vantant leur travail. « Mais il y a des prises de décision qui n’ont peut-être pas été justes au moment opportun, il y a des red flags qui se sont levés. »

MRobert a rappelé que « Mme Gagnon a pris la responsabilité de ses actes au niveau criminel, ses gestes restant impardonnables ».

Audrey Gagnon, 25 ans, a été condamnée en mars dernier à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 14 ans pour le meurtre de sa fille.

Par la voix de son avocat, la femme a formulé deux recommandations à la coroner. L’une d’elles est que jamais plus une maison d’hébergement ne laisse partir un enfant qui fait l’objet d’un signalement sans avoir parlé à la DPJ.