(Montréal) Un expert professeur de psychologie a déclaré au tribunal dans la contestation de la Loi sur la laïcité de l’État que celle-ci pourrait conduire les personnes juives, sikhes et musulmanes à se sentir de plus en plus stigmatisées et risquerait de nuire à la cohésion sociale.

Le Dr Richard Bourhis a déclaré à la Cour supérieure du Québec que des études ont montré que les efforts déployés pour classer les gens dans différentes catégories créent un phénomène « nous et eux » qui peut renforcer les sentiments de préjugés parmi la majorité et l’insécurité chez les membres des groupes minoritaires.

M. Bourhis a témoigné, vendredi, au cinquième jour des procédures judiciaires contre la loi québécoise sur la laïcité, qui interdit aux travailleurs du secteur public en position d’autorité – y compris les enseignants et les juges – de porter des symboles religieux au travail.

Il a soutenu que la loi pourrait enhardir certaines personnes qui ont déjà des perceptions négatives à l’égard de leurs pairs qui portent des symboles religieux, tout en créant un sentiment d’exclusion pour les personnes qui les portent.

Se sentir victime de discrimination peut amener les gens à douter d’eux-mêmes, à se sentir tristes, stressés et en moins bonne santé mentale, a déclaré M. Bourhis au tribunal par liaison vidéo. Ils risquent de se sentir rejetés par la majorité, selon lui.

Le professeur émérite à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a affirmé que l’effet de cette catégorisation est plus grand lorsqu’il s’agit de groupes qui subissent déjà de la discrimination, en particulier les femmes musulmanes qui portent le hijab.

M. Bourhis a déclaré qu’il n’y avait pas eu suffisamment de temps pour étudier les impacts de la loi adoptée en 2019. Il a toutefois affirmé que des données d’autres études le portent à croire qu’elle pourrait avoir des effets à plus long terme.

Il a déclaré que les groupes minoritaires qui se sentent ciblés ont tendance à resserrer les rangs, ce qui peut avoir pour effet de les isoler du reste de la société. « À long terme, cela peut nuire à l’intégration de ces minorités », a-t-il fait valoir.

M. Bourhis a décrit la loi comme un exemple de « discrimination indirecte », car elle affecte certaines communautés plus que d’autres, même si elle ne cible pas explicitement un seul groupe.

Les membres de certaines minorités devront choisir entre leurs signes religieux et leur profession, a-t-il relevé. Les jeunes qui portent des symboles religieux peuvent également se sentir limités dans leurs choix de carrière ou avoir l’impression de ne pas être à leur place, a fait valoir le professeur.

Les audiences à Montréal combinent quatre poursuites distinctes contre la Loi sur la laïcité de l’État en un seul procès, qui pourrait durer jusqu’à six semaines devant le juge de la Cour supérieure Marc-André Blanchard.

Le procès s’est ouvert cette semaine avec des témoignages d’enseignantes musulmanes et sikhes, qui ont décrit se sentir exclues de la société québécoise parce qu’elles choisissent de porter des symboles religieux.

La Loi sur la laïcité de l’État fait un usage préventif de la disposition de dérogation de la Charte des droits et libertés, qui protège la législation contre les contestations judiciaires liées à des violations des droits fondamentaux.

Dans le but de contourner la clause de dérogation, les demandeurs invoquent les garanties d’égalité sexuelle de l’article 28 de la Charte, qui, selon eux, ne sont pas couvertes par la clause de dérogation.

Le gouvernement du Québec s’est dit prêt à défendre sa loi sur la laïcité devant tous les tribunaux. Le premier ministre François Legault a précédemment décrit la loi comme modérée et a déclaré qu’elle était appuyée par la plupart des gens au Québec.