Une femme trompée par son ex-mari n’aura pas à partager son régime de retraite avec lui, à l’issue de leur divorce, parce que l’homme adultère a dilapidé son argent pour entretenir des relations extraconjugales, au lieu de contribuer au patrimoine familial.

Il serait injuste que Madame doive séparer moitié-moitié son pécule de retraite, alors que son ex-conjoint a « choisi de se gâter » en fréquentant six maîtresses et un amant, au lieu d’épargner pour ses vieux jours, indique le juge Jean-Sébastien Vaillancourt, de la Cour supérieure de Longueuil, dans une décision rendue le 18 novembre.

« Tout aussi répréhensible que soit la conduite de Monsieur, l’adultère ne permet pas, en soi, d’ordonner le partage inégal du patrimoine familial, souligne le magistrat. […] L’inconduite de l’époux doit revêtir un caractère économique pour justifier un partage inégal. »

Le juge Vaillancourt cite une décision de la Cour suprême, qui établit que « le mariage entraîne une obligation de contribuer aux charges du ménage en proportion des facultés des parties », ce que Monsieur a négligé de faire pendant les 17 années de l’union, au cours de laquelle deux enfants sont nés.

Il a commis « un abus de confiance en ne traitant pas la vie familiale comme un partenariat financier ».

Pas de jugement moral

Cette décision « n’a rien à voir avec un jugement moral sur la conduite des conjoints durant leur mariage, leur humeur, leur ingratitude ou leur fidélité », précise le juge.

Mais le Code civil prévoit une dérogation au principe du partage du patrimoine familial « lorsqu’il en résulterait une injustice compte tenu, notamment, de la brève durée du mariage, de la dilapidation de certains biens par l’un des époux ou encore de la mauvaise foi de l’un d’eux ».

Les ex-époux ont séparé à parts égales la valeur de la maison familiale et les autres biens. Mais Madame est en droit de conserver la totalité de son régime de retraite, selon le juge Vaillancourt.

Le partage inégal du patrimoine familial est une mesure plutôt rare, selon l’avocat Stéphane Pouliot, spécialisé en droit de la famille.

Il faut démontrer qu’il y a une faute économique, ça prend une raison majeure. Si quelqu’un fait des dépenses abusives, il ne contribue pas au magot commun.

Stéphane Pouliot, avocat

Dans ce cas-ci, on parle d’activités extraconjugales, qui entraînent des dépenses pour des sorties et des séjours à l’hôtel. Mais une personne qui joue exagérément au casino, qui a un problème de toxicomanie ou qui achète des vêtements griffés au-delà de ses revenus pourrait provoquer le même déséquilibre, souligne Me Pouliot.

« Tout comportement déviant peut provoquer un préjudice économique. »

« Double vie »

Cette femme a découvert en 2012 que son mari entretenait une « double vie », selon elle.

Dans sa messagerie laissée ouverte sur la tablette familiale, elle a trouvé des correspondances avec six femmes et un homme, jusqu’en 2015. Il est question d’invitations à se rejoindre pour un verre ou dans un motel, et de propos de nature sexuelle.

Les messages sont envoyés d’une adresse courriel dérivée d’Anakin Skywalker, un des personnages favoris du mari, qui s’identifie avec une photo où il est nu.

Aucune preuve n’a été présentée au sujet des sommes qu’« Anakin Skywalker » aurait dépensées pour ses activités extraconjugales. Mais il est clair pour le tribunal qu’il a gagné des revenus importants sans épargner pour sa retraite.

Ses revenus ont fluctué entre 8000 $ et 156 000 $, pendant le mariage. Selon son ex-conjointe, il « rêvait de devenir millionnaire et cherchait toujours, en conséquence, à faire un coup d’argent ».

Il décrochait des postes de haute direction, qu’il avait cependant du mal à conserver longtemps. Mais comme il négociait de généreuses indemnités de départ, il continuait à recevoir un revenu après avoir perdu un emploi, peut-on lire dans le jugement.

Malgré cela, il a accumulé seulement 27 000 $ en REER entre 1998 et 2015, tandis que sa conjointe constituait un régime de retraite d’une valeur de 237 000 $.

Monsieur vivait au-dessus de ses moyens, avec un goût pour les vins coûteux, les gadgets électroniques dernier cri et les voitures sport. Il s’est d’ailleurs acheté une voiture de luxe qui ne comportait que deux places, alors que le couple avait deux enfants.

En plus de tout ça, le père s’occupait peu des enfants. La garde en a d’ailleurs été confiée à la mère.

Après le divorce, l’ex-mari n’aurait fait aucun effort pour trouver un emploi et contribuer aux dépenses pour ses enfants. Ses revenus actuels seraient de 30 000 $, mais le tribunal a fixé la pension alimentaire à 760 $ par mois, estimant qu’il devrait être en mesure de gagner une somme plus importante.